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intérieures qui se formaient contre la conspiration principale. J’en appelle à l’Apostolato popolare de M. Mazzini, j’en appelle à ses amis, les uns morts, les autres pis que morts, à ce parti russo-bonapartiste que le chef de la jeunesse italienne attaque de toute sa verve à cause de l’influence qu’il a exercée depuis 1831 jusqu’en 1843. Il ne faut pas oublier non plus que l’habitude de la dissimulation, autorisée, imposée par les sociétés secrètes, altère le courage et crée des hommes téméraires dans l’ombre, faibles au grand jour : les faits l’ont bien prouvé. Celui qui n’osait pas refuser de paraître à un bal du gouverneur risquait sa vie dans un club mystérieux. Que les patriotes songent donc que tout effort secret est perdu pour la nation, qu’ils ne pourront triompher en temps de paix ni par ruse, ni par surprise ; que les trois manifestations du carbonarisme à Naples, en Piémont, en Romagne, déshonorent les gouvernemens qui ont tremblé comme des cours du XVIe siècle devant les conspirateurs, et compromettent aussi la révolution, qui en a retiré beaucoup de malheurs et peu de gloire. L’Italie libérale serait dix fois plus forte, si les nombreuses victimes qu’elle a données à la prison, à l’exil, à l’échafaud, étaient restées avec elle, et si elle n’avait dû se recruter sans cesse dans les nouvelles générations. On est ainsi passé de l’excès de l’exaltation secrète à l’excès de l’abattement public ; on n’a pu combiner les ruses du conspirateur et la fermeté du citoyen : le combat a presque toujours avorté. Ces échecs multipliés ont découragé tout le monde, et le pays s’est habitué à la résignation.

Notre blâme ne porte pas sur tous les actes des conspirateurs : jusqu’en 1831, l’Italie libérale a été entraînée par ses propres antécédens ; l’armée française en 1797, l’armée des alliés en 1814, Carignano et deux armées bonapartistes en 1820, la révolution de juillet en 1831, justifiaient en quelque sorte les tentatives des sociétés secrètes. A toutes les autres époques, de 1797 à 1844, les patriotes ont eu le tort de céder aux traditions de l’ancienne politique italienne, de ne pas voir que les deux mots de démocratie et de conspiration s’excluent mutuellement. Nous ne blâmons pas les hommes qui ont été entraînés à des erreurs inévitables, mais ces erreurs ne doivent pas se renouveler. Dès 1832, M. Mazzini sentait le besoin d’agiter en public les questions secrètes du carbonarisme, et de se montrer à la tête des siens ; c’était un progrès. M. Nicolini et d’autres l’imitent, le parti se fortifie sans rentrer dans la voie des conspirations ; l’aristocratie piémontaise prend part au débat, nous l’en félicitons. Dans la Romagne, ce foyer le plus ardent du libéralisme, les deux partis sont en présence, et leurs forces sont connues ; il ne doit désormais s’engager entre eux qu’une lutte