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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 décembre 1844.


Peu de jours ont suffi, depuis la rentrée des chambres, pour dessiner nettement la situation. Dès à présent, tout le monde sait à quoi s’en tenir sur la destinée parlementaire du cabinet. On voit ce qu’il peut attendre des chambres et ce que les chambres peuvent attendre de lui. L’effet produit par le discours du trône, la lutte engagée au Palais-Bourbon sur des questions de personnes, devenues inopinément des questions de principes, les rapprochemens qui se sont opérés entre les deux centres, l’ébranlement donné à la majorité, tout annonce une situation nouvelle.

Qu’avons-nous répété bien souvent depuis plusieurs mois ? Que le pays désapprouvait la politique étrangère du cabinet, que les susceptibilités nationales étaient froissées, que l’opinion concevait de vives alarmes, qu’une certaine irritation se répandait dans les esprits, que cette irritation passerait dans les chambres, dans le sein même de la majorité conservatrice ; qu’il arriverait enfin un moment où le sentiment public ferait explosion. Ce moment paraît arrivé. Dès le jour même où les chambres ont été réunies, les sentimens du pays se sont montrés ; l’opposition, long-temps contenue, a éclaté, et ses progrès sont devenus de jour en jour plus menaçans.

Le premier échec du ministère a été l’accueil fait au discours du trône. La parole royale a été écoutée dans un profond silence. Aucun témoignage d’adhésion n’a interrompu le discours officiel. Une froideur marquée régnait dans l’assemblée. Et pourtant, jamais une séance d’ouverture n’avait prêté davantage à l’émotion. Que de circonstances capables d’exciter l’enthousiasme, si l’enthousiasme eût été libre ! Que d’acclamations auraient accueilli la prise de Mogador, la bataille d’Isly, le voyage à Windsor, si la po-