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que discutée par M. Thiers. Plus tard, dans ses nombreux voyages en Italie, au bord du Rhin, en Allemagne, et à l’aide de comparaisons multipliées, M. Thiers concevra à son tour, sur l’ensemble de l’architecture, tout un système historique et générateur complet, tout un livre mouvant et presque passionné, qui est écrit dans sa tête, qui vit dans sa conversation, mais qu’on ne saurait toucher en cet endroit sans anachronisme. Nous n’avons noté en passant l’article sur l’œuvre de Boisserée que pour prendre acte de la vocation et signaler en tous sens les aptitudes diverses.

Les deux premiers volumes de l’Histoire de la Révolution paraissaient dans l’automne de l’année 1823. Cette histoire, qui a eu tant de vogue et d’influence, une influence qui n’est pas épuisée encore, fut commencée un peu au hasard, et naquit par occasion. La première idée en vint à Félix Bodin, qui poussa M. Thiers à l’entreprendre, et qui, le voyant ensuite si bien attaquer l’œuvre, y renonça lui-même avec une parfaite bonne grace. Bodin était un homme instruit, de bonne heure fatigué, et d’une haleine courte qui ne dépassait guère le résumé historique, genre exigu dont il est le père. Il avait acquis une assez grande réputation à ce quart d’heure de 1823, et son nom faisait, au besoin, une manière d’autorité et quasi de patronage. Ce nom auxiliaire se trouva donc associé à celui de M. Thiers pour les deux premiers volumes, qui formèrent la première livraison : il ne disparut qu’au troisième. Dans ces deux premiers volumes, qui comprennent l’Assemblée constituante et presque toute la législative, le jeune historien débute, on le voit bien ; il n’a pas encore trouvé sa méthode ni son originalité. A l’exemple de la plupart des historiens, après une étude plus ou moins approfondie des faits, après une recherche bientôt jugée suffisante, et s’étant dit une fois : Mon siège est fait, il s’en tire par le talent de la rédaction, par l’intérêt dramatique du récit, et par des portraits brillans. Celui de Mirabeau, sous sa plume, méritait fort d’être remarqué ; le caractère et la grandeur du personnage y étaient vivement produits, même avec trop de prestige, et l’on pouvait relever déjà, dans l’appréciation de certains actes, trop de coulant et d’indulgence. Cependant, ces deux premiers volumes parus, M. Thiers sentit (et lui-même en convient avec cette sincérité qui est un charme des esprits supérieurs) qu’il avait presque tout à apprendre de son sujet, et qu’une rédaction spirituelle après lecture courante des pièces et des mémoires antérieurement publiés n’était pas l’histoire telle qu’il était capable de la concevoir. Il se mit dès-lors à étudier résolument ce qui fait la matière essentielle de