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jusqu’ici, c’est que les historiens nous l’attestent ; or, nous venons se voir qu’en pareille matière les témoignages historiques ne sont guère infaillibles ; nous venons de démontrer, malgré les attestations d’archivistes contemporains, que le fameux incendie de 1293 avait dû nécessairement épargner la presque totalité de l’église : pourquoi n’en serait-il pas de même du désastre de 1131 ? pourquoi le vieux monument n’aurait-il pas résisté aux flammes ? pourquoi ne serait-ce pas lui que nous aurions devant les yeux ?

Notre réponse est bien simple : la même raison qui ne nous a pas permis de croire au récit des moines de Longpont nous force d’ajouter foi aux paroles de Guillaume de Nangis et à celles de tous les chroniqueurs qui ont parlé de l’incendie de 1131. Dans les deux cas, c’est le caractère de l’architecture qui détermine notre conviction, c’est lui qui nous fait affirmer que l’édifice ne peut être ni antérieur, ni de beaucoup postérieur au XIIe siècle.

Mais n’avons-nous pas dit que l’époque de transition (et c’est au XIIe siècle que ce nom est généralement donné) n’était encore qu’imparfaitement étudiée ; que ses caractères constitutifs ne pouvaient pas être définis avec la même précision que ceux de l’époque du style à ogive proprement dit, c’est-à-dire des XIIIe, XIVe et XVe siècles ? Dès-lors quels indices certains, quel moyen de contrôle la vue des monumens peut-elle nous fournir ? de quel droit pouvons-nous rejeter ou accepter le témoignage des historiens ?

Qu’on nous permette de distinguer ce qui est encore vague et obscur dans l’époque de transition, et ce qui peut, au contraire, être éclairci jusqu’à l’évidence, et l’on verra qu’il existe des signes assez nombreux et assez sûrs pour déterminer que tel monument est ou n’est pas de ceux que cette époque a dû voir construire.

Cette nouvelle digression ne nous écarte pas de notre but, puisque, eu essayant ces recherches sur la cathédrale de Noyon, nous nous proposions avant tout, sinon de résoudre, du moins de poser nettement les questions principales que soulève encore l’époque de transition.


VII

Ces questions sont de deux sortes : les unes, purement chronologiques, consistent à savoir quelle est l’époque où finit le règne exclusif du plein cintre, et à quels signes on peut reconnaître approximativement l’âge d’un monument de transition ; les autres, plus générales et d’un plus haut intérêt historique, ont pour but de rechercher