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loi que sous forme de pétition, la souveraineté absolue continua de rester en des mains étrangères, les contrôles de l’administration et la révision des comptes ne relevèrent que du roi.

Malgré ces changemens notables, tous les bienfaits de l’influence française furent conservés. L’égalité civile et politique de tous les citoyens du royaume devint un principe fondamental, et se combina avec le principe slave du vote universel. Pour montrer combien, en dépit de l’oppression politique, ce nouvel état de choses était un progrès social sur celui de l’ancienne Pologne, il suffira de dire que, réduit à quatre millions d’habitans, le royaume comptait presque autant d’électeurs que l’ancienne république polonaise, forte de vingt millions d’hommes. Ces électeurs, nobles, bourgeois et paysans, tous également éligibles, formaient une masse aussi nombreuse que le corps électoral de France avant la révolution de juillet, et si chacun eût voulu remplir les conditions de la loi, en se faisant inscrire sur le livre civique, il eût été facile de doubler ce nombre. Pour devenir une des sociétés les plus complètes et les mieux organisées de l’Europe, la société polonaise n’avait plus besoin que de l’indépendance politique. On conçoit que, ne pouvant la reconquérir autrement, elle l’ait cherchée sur les champs de bataille ; et que, même vaincue, sentant sa vitalité intérieure, elle ne désespère pas de l’avenir.

Le pays où la charte polonaise a subi le moins d’altération est sans contredit le grand-duché de Posen. Les diètes de ce duché ont recouvré depuis quelque temps une grande importance, et l’on peut dire qu’elles exercent aujourd’hui leur influence sur la société prussienne elle-même. En effet, l’introduction récente en Prusse du système des diètes provinciales, qu’est-ce autre chose qu’un premier emprunt, fait par des mains habiles, à l’ancienne constitution polonaise ? Sans s’en douter, la Prusse nouvelle incline aux institutions gréco-slaves. C’est que, par toute son histoire, et, on peut le dire, par ses racines même, ce royaume se trouve rattaché à la grande famille slave. La seule classe d’habitans du Brandebourg qui soit incontestablement d’origine allemande, c’est l’aristocratie. Le reste offre un mélange confus de races où le sang slave domina dès l’origine. Les Prussiens, dans leur vaniteuse prétention de tout faire autrement et mieux que les Français, n’ont au fond que légèrement modifié, en les adoptant, les diétines polonaises ; mais ils n’ont pu encore compléter le plagiat, en érigeant, comme le fit la Pologne, au-dessus des diétines une diète suprême qui seule peut donner aux réunions provinciales une véritable importance politique. C’est qu’avec sa mosaïque de provinces prussienne, polonaise,