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et dont le sol est beaucoup plus fertile, mais qui garde des traces du régime polonais, n’offre dans la même proportion que trois cent quarante habitans, et la gubernie de Novgorod, terre républicaine, n’en a par lieue carrée que cent quarante-cinq.

On prétendra que l’amélioration progressive du sort des serfs est le but des efforts constans du gouvernement russe, que c’est pour relever ces malheureux qu’il abaisse et humilie de mille manières l’aristocratie. Nous répondrons que le vrai génie slave n’agit pas ainsi. Au lieu d’abaisser les uns au profit des autres, il fait participer tous les citoyens au pouvoir avec un égal amour, et, au lieu de diminuer leurs droits, il les augmente progressivement. Étudiez l’histoire des progrès sociaux de l’Hellade, de la Hongrie et de la Serbie, depuis quarante ans. C’est là que se manifeste un travail de régénération vraiment conforme au génie gréco-slave ; c’est là que chaque élément provincial, chaque force indigène, joue sans crainte d’être étouffé le rôle que lui a décerné la nature. Le vieux principe romain, le principe impérial de la centralisation absolue ; qui fait abstraction des nationalités en faveur de l’état, élève entre ces contrées et la Russie une insurmontable barrière. Pour les Gréco-Slaves, souveraineté et nation sont deux mots synonymes, et un seul état pour plusieurs peuples n’est possible à leurs yeux qu’à la condition du plus large fédéralisme. Les patriotes slaves, dans leur puissant travail d’émancipation au sein des trois empires orientaux de Russie, de Turquie et d’Autriche, ne peuvent se proposer, autre chose que de relever l’antique système grec des amphictyonies, en lui imprimant la forte discipline moderne. Leur but est de réagir à la fois contre les trois empereurs coalisés de l’Orient, pour établir partout des administrations indigènes à la place d’une bureaucratie d’étrangers, pour substituer le règne des capacités locales au règne des créatures ministérielles, et aux choix de cour le choix populaire. Quoique affaiblie par sa division en mille tribus diverses, la race gréco-slave n’a point cherché à diminuer le nombre de ces tribus ; vaincue ou non, chacune d’elles est restée inviolable dans son foyer. Les gouvernemens occidentaux, si tristement habiles à détruire les nationalités qui les gênent, n’ont pu réussir encore dans leurs coupables desseins sur l’Europe orientale. Les puissances qui l’ont jusqu’ici opprimée n’ont su, atteindre que les corps, elles n’ont pu étouffer les consciences. Or c’est cette conscience sociale des peuples qui, aujourd’hui réveillée, remue toutes les provinces des trois empires d’Orient. Lisez l’histoire