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se regarder comme triomphant lorsque ce même Wou-ty, qui deux fois se retira dans un monastère, eut aboli dans ses états la peine de mort, au nom d’une croyance qui ordonne de respecter la vie de tous les êtres ; quand Wen-ty (de la famille des Souï) tenta d’établir en Chine le système des castes comme dans l’Inde, et supprima dans les provinces les collèges des lettrés pour transformer ces édifices en greniers publics.

Cet envahissement des idées indiennes doit être considéré non comme la cause, mais plutôt comme l’effet de la perturbation générale d’un empire fatigué par les révolutions. En s’étendant trop vers le nord-ouest, la Chine avait elle-même rompu la digue qui la protégeait contre les influences du dehors. D’ailleurs pouvait-elle, en avançant dans les siècles, rester ce qu’elle avait été sous les trois premières dynasties, une petite nation compacte, isolée, étrangère au mouvement intellectuel des autres peuples de l’Asie ? Pouvait-elle vivre quarante siècles sur le même principe, tourner éternellement dans le même cercle d’idées ? Entre la morale de Confucius et le culte des esprits, né de la rêveuse philosophie de Lao-tseu, il y avait place pour une religion plus complète ; entre les lettrés, gens de pratique et de tradition, et les docteurs du Tao, retirés dans les montagnes pour s’y livrer à la recherche du grand œuvre, se glissèrent les bonzes, qui priaient, qui enseignaient à l’homme à se mettre en rapport avec le ciel. Dans ces temps de troubles et de désordres, la vie tranquille des monastères, dont les souverains, par leurs largesses, faisaient presque des palais, devait sourire à un peuple pauvre, pacifique, et lui sembler un doux sommeil ou tout au moins un précieux abri contre les tempêtes du monde.

Au milieu de ces agitations continuelles, la Chine ne se montrait plus au sein de l’Asie orientale avec ce caractère de pérennité qui lui est propre ; mais il lui a été donné de se relever bien des fois, de reparaître plus brillante que jamais, après des siècles d’abaissement, sur l’immense étendue de pays qu’elle domine encore. On peut ajouter que ces restaurations de l’empire furent toujours marquées par un retour aux doctrines de Confucius, du moins quant à ce qui regarde la constitution de l’état. Dans les affaires du gouvernement, les dynasties mongole et mandchou elles-mêmes ont eu recours aux lettrés ; quelle que fût la croyance particulière du souverain, le moraliste du temps des Tchéou redevenait l’oracle du conseil. Lorsque le premier des Tang, Kao-tsou, monta sur le trône, chancelant des Soui (618), il s’occupa de réorganiser cette vaste monarchie, de la ramener à l’unité