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graves du cabinet ; ce sont celles qui caractérisent le plus sa politique, résumée en deux mots par tous les orateurs qui l’ont attaquée : imprévoyance et faiblesse. Imprévoyance au début, faiblesse dans toutes les complications qui ont suivi. Grace à toutes les fautes commises, les difficultés à Taïti sont devenues inextricables. Comment y rentrer, comment en sortir ? Les hommes sages, d’un esprit ferme et résolu, commencent à dire leur pensée à ce sujet. « Je ne suis pas un homme timide, a dit M. Thiers ; je ne crains pas les faux cris : le jour où notre dignité nous permettrait d’évacuer les Marquises, je le conseillerais. »

Nous n’insisterons pas sur ce qui s’est dit dans les deux chambres à propos du droit de visite ; le cabinet est jugé là-dessus depuis trois ans. M. Guizot, après les évènemens de 1840, lorsque la France était irritée contre l’Angleterre, signe le traité du 20 décembre. Les chambres exigent que le traité ne soit pas ratifié ; de plus, elles demandent la révision des traités de 1831 et 1833 ; elles demandent la suppression du droit de visite. Où en est aujourd’hui la négociation ? M. Guizot avait déclaré que c’était pousser la France dans une voie qui aboutirait à une faiblesse ou à une folie ; néanmoins, il est entré lui-même dans cette voie si périlleuse ; il a accepté cette responsabilité qu’il trouvait si lourde. Qu’a-t-il fait pour obéir au vœu des chambres ? L’année dernière on négociait, cette année-ci les deux gouvernemens ont nommé des commissaires à l’effet de rechercher un moyen aussi efficace que le droit de visite. C’est un grand pas, dit M. Guizot ; non, s’écrie M. Dupin, c’est un faux pas, et la chambre accueille avec un rire universel cette saillie du mordant orateur, qui, vivement apostrophé la veille par M. le ministre des affaires étrangères, semblait avoir besoin d’une revanche. En effet, qu’a voulu la chambre en 1842 ? que le commerce de la France fût replacé sous la surveillance exclusive du pavillon national ? Quel est l’objet de la commission nouvellement instituée ? De rechercher un moyen aussi efficace que le droit de visite. Mais si ce moyen ne se trouve pas, qu’arrivera-t-il P Que le droit de visite sera maintenu. Or, est-ce là le vœu, la volonté de la chambre ? a-t-elle entendu que le droit de visite réciproque serait maintenu tant qu’on ne lui trouverait pas d’équivalent ? ou bien n’a-t-elle pas entendu au contraire que le droit de visite réciproque devait être supprimé en ce qui nous regarde, et faire place à la surveillance exclusive du pavillon national ?

Au lieu d’avancer, le ministère a donc reculé sur cette question, ou plutôt il n’a rien fait. La commission est un expédient dont il avait besoin pour la discussion de l’adresse. La discussion terminée, l’expédient sera peut-être mis de côté.

La question du Maroc, celle de Taïti, celle du droit de visite, sont trois questions connexes où la même pensée se dévoile, où les fautes relèvent d’une seule et même politique, ou plutôt d’un seul et même système de conduite. M. le ministre des affaires étrangères s’est beaucoup défendu d’avoir traité conjointement ces trois questions. Il déclare que chacune d’elles a été suivie