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vingt-quatre heures, renversa l’administration Palmella que la reine avait de bonne foi, dit-on, opposée à M. da Costa-Cabral ; c’est lui qui, par ses émissaires, contribua le plus puissamment à désarmer les partisans de la constitution abolie ; c’est lui enfin qui, au dernier instant, détermina la reine à sanctionner la révolution dont M. da Costa-Cabral venait de prendre l’initiative, hardie. Du moment où une telle entreprise a pu réussir, il ne faut pas s’étonner qu’au palais et dans les deux chambres tout ait plié devant la volonté du prince, devant celle de son jeune ministre et devant celle de son vieux conseiller.

Tous les trois, depuis cette époque, le prince, le conseiller et le ministre, forment au palais un comité souverain où s’élaborent les lois nouvelles, oie se méditent les grandes mesures, où, en finance, en administration, comme en politique, se mûrissent les plus importantes résolutions. Par le frère du ministre, M. José Bernardo da Costa-Cabral, gouverneur civil de Lisbonne, dont nous aurons bientôt à définir le talent et le caractère, ce comité dirige despotiquement les délibérations de la chambre élective. Dans la ville, son influence est plus active encore et plus puissante peut-être. Sur la diplomatie, sur les membres de la haute bourgeoisie de Lisbonne qui forment un noyau compacte et souvent redouté, sur les grands seigneurs miguélistes lassés déjà de regarder vers Porto ou les Acores si l’on aperçoit la bannière du prétendant, cette influence s’exerce par l’envoyé d’une cour parente, l’ambassadeur du Brésil, M. Antonio de Menezes Vasconcellos de Drummond. Dans ce siècle où ministres et chargés d’affaires, et jusqu’aux ambassadeurs des plus hautes puissances, contractent volontiers les mœurs bourgeoises, M. de Drummond est demeuré un type fort remarquable de la diplomatie ancienne. Généreux et même un peu prodigue, il est rare que par sa parole persuasive, par ses manières brillantes, il ne vienne pas à bout des plus fières résistances. A Rome, où il a représenté son empereur, à Lisbonne même, où, durant bien des années, M. Capaccini, son ami, a rempli les difficiles fonctions : de la nonciature, M. de Drummond a tout à son aise complété son éducation politique. M. de Drummond est absolutiste ; il l’est devenu, s’il faut l’en croire, en voyant combien peu a gagné dom Pedro, son ancien maître, à prodiguer les constitutions. On conçoit dès-lors que parmi les miguélistes sa tâche de convertisseur devienne souvent très facile : ceux-ci peuvent bien se résoudre à sacrifier un homme, quand on n’hésite point à leur sacrifier les principes. Quoi qu’il en puisse être, Lisbonne est la seule ville d’Europe où, grace à M. de Drummond, on voie quelques restes encore de la vieille magnificence diplomatique. A cet égard, la capitale du Portugal conserve une sorte de privilège qu’on ne peut lui disputer. A Paris, à Londres, à Rome, dans les autres grandes villes de l’Europe, on ne trouverait point un salon politique aussi animé que celui de la comtesse de Gracia-Real, où se réunissent les représentans les plus influens de la diplomatie à Lisbonne. Mme de Gracia-Real, maintenant mariée à un riche Portugais, M. de Castro, est une Espagnole de Cordoue très connue dans les cercles de Londres avant même