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ne considérer que les allures, ce style vous rappelle involontairement les rudes paysans des environs de Lisbonne, accourus, sur l’ordre de l’infant dom Miguel, avec leurs faux et leurs bâtons de rouvre pour casser la tête aux ministres du roi dom João. Pour bien mettre en relief le caractère de M. da Costa-Cabral, le pamphlétaire a recours aux plus éclatantes comparaisons ; il fouille à fond toutes les histoires : attentats aux lois et à la morale publique, crimes et bouleversemens de toute espèce, tout lui est bon, pourvu qu’il puisse ajouter que M. da Costa-Cabral est capable de faire pis encore. M. da Costa-Cabral a l’ambition de. César, la cruauté de Marat, l’avidité de Galba, le farouche athéisme politique de Danton, les vices de tous les grands personnages dont les annales générales des peuples nous ont transmis le souvenir. En vérité, s’il en est ainsi, nous plaignons sincèrement le premier ministre de doña Maria : que peut-il faire de si énormes défauts dans ce petit royaume si étroitement resserré entre la nier et la ligne de raison de l’Estramadure ?

Parlons sérieusement. La diatribe échevelée qui pas à pas suit M. da Costa-Cabral de la pauvre boutique de Beira, où son père gagnait péniblement sa vie à vendre les denrées coloniales, jusqu’à son avènement définitif au pouvoir, raconte avec assez d’exactitude, nous l’avons contrôlée sur les documens officiels, les principaux actes de sa vie publique. Laissons de côté les exagérations, qui, après tout, ne sont guère que dans la forme, et jetons scrupuleusement un voile sur la vie privée. Que M. da Costa-Cabral soit le fils d’un petit épicier de Beïra, il se peut qu’en Portugal on lui en fasse une sorte de crime : pour nous, pour tout le monde en dehors de son pays, ces humbles commencemens font ressortir avec plus d’éclat la réelle grandeur du but qu’il a su atteindre. Si M. da Costa-Cabral était le fils d’un Loulé ou d’un Niza, en serait-il plus considérable aux yeux de l’Europe ? Pourquoi donc en vaudrait-il moins pour avoir de ses propres mains élevé sa fortune, pour avoir surmonté l’obstacle de la naissance, le plus difficile qu’on ait à vaincre, en quelque pays que ce puisse être, au début d’une carrière politique ? Ce qui nous importe, c’est sa carrière politique même que nous voudrions esquisser, ne nous attachant qu’aux traits généraux, à ceux qui montrent le caractère et le peignent. Quand nous aurons à raconter les évènemens qui, dans ces dernières années, se sont accomplis en Portugal, nous retrouverons encore M. da Costa-Cabral, mais, cette fois, exerçant toute l’autorité qu’à diverses reprises lui a pu donner sa parole de tribun ou son pouvoir de ministre : avant de dire en quoi le rôle consiste, il faut bien faire connaître l’homme qui le remplit.

M. da Costa-Cabral a passé dans l’exil les premières années de sa jeunesse ; rentré en Portugal immédiatement après la chute de l’infant, il obtint du ministre Silva Carvalho le poste modeste de juge de relation dans les Acores, ce, qui n’empêcha point que dès 1835 il ne fût par ces îles mêmes envoyé aux cortès. De 1835 à la fin de 1837, nous voulons dire jusqu’à la proclamation de la loi septembriste, M. da Costa-Cabral a été un des membres les plus