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à de si monstrueuses proportions, a dû obliger l’habile M. Gomes de Castro à faire bien souvent le voyage de Londres !

En vertu d’une stipulation récemment conclue dans cette même ville de Londres, on ne paie aujourd’hui que la moitié des intérêts de la dette extérieure ; les intérêts qui, de terme en terme, s’accumulent, doivent être plus tard remboursés ; en attendant, ils forment une espèce de dette flottante. L’intérêt, qui aujourd’hui n’est qu’à 2 et 1/2 p. 100, sera de 3 p. 100 en 1849, et ainsi de suite, à des époques déterminées, jusqu’à ce que l’arriéré soit comblé. Rien de mieux, assurément, si, pour se mettre en état de faire face aux futures obligations, le gouvernement s’attachait, dès maintenant, à imprimer une impulsion féconde au commerce, à l’industrie, à l’agriculture ; mais nous craignons fort, — et l’on va voir si nos appréhensions sont fondées, — que, loin d’augmenter les revenus du pays, le système économique du cabinet portugais ne soit combiné de telle manière qu’il doit finir par les épuiser.

Bien que M. da Costa-Cabral ait fait présenter déjà d’ambitieux budgets à l’examen des chambres, il est difficile de calculer le chiffre des recettes et celui des dépenses. Pour ne point nous perdre en d’interminables détails, qui, au lieu d’éclaircir la question, la compliquent en pure perte, bornons-nous à établir ici nettement que, s’il faut s’en rapporter aux relevés mêmes de l’administration, les charges du royaume, frais généraux, dépenses des divers ministères, s’élèvent annuellement, avec les intérêts de la dette, à un peu plus de 11,156 contos de reis, un peu plus de 66 millions de francs, tandis que les impôts, taxes, patentes, droits et monopoles de toute espèce, ne donnent qu’un revenu d’un peu plus de 9,841 contos, un peu moins de 60 millions de francs. A la fin de 1842, le ministre des finances, M. le baron de Tojal, ne faisait point mystère d’une si terrible situation ; mais le gouvernement s’est bientôt repenti d’avoir ainsi ouvert aux regards du public les profondeurs menaçantes du déficit. En juin 1843, les cortès examinaient le budget des dépenses. Or, pour diminuer le plus possible l’effrayante disproportion qu’il présentait avec celui des recettes, les deux chambres, tout à coup prises d’un inconcevable accès d’indépendance, demandaient à grands cris des économies qu’à toute force elles voulaient faire porter sur tous les chapitres des divers départemens. Pour les arrêter en si beau chemin, le cabinet prit prétexte des convulsions qui alors déchiraient l’Espagne, et prorogea indéfiniment les cortès. Celles-ci pourtant ne s’étaient point séparées sans voter un certain nombre de réductions auxquelles M. da Costa-Cabral promit de se conformer ; mais en présence du déficit, qui, de toutes parts, s’agrandit, est-on bien en état de ne pas manquer à une telle promesse ? M. da Costa-Cabral fit en effet des économies, mais des économies illusoires, dont s’émerveillèrent pourtant les cortès, redevenues bientôt de fort bonne composition. MM. da Costa-Cabral et de Tojal retranchèrent héroïquement du budget des chiffres qui n’étaient là que pour la forme, comme les appointemens dévolus à des emplois qui jamais n’ont eu de titulaires, ou bien les salaires que recevaient, durant les années précédentes, des fonctionnaires