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tarda point à s’animer, et l’un des ministres, M. Gomes de Castro, s’emporta jusqu’à dire à M. de Palmella : « Qu’exigez-vous là, monsieur le duc ? nous prenez-vous pour des dilapidateurs ? — Je n’exige rien, répliqua M. de Palmella ; c’est votre seul honneur, messieurs les ministres, qui vous fait un devoir de rendre un pareil compte à la nation portugaise. » À ces paroles, le ministre de la guerre, M le duc de Terceira, ne pouvant plus se contenir, quitta précipitamment la salle, et la séance fut levée au milieu de la plus vive agitation.

Demeurés seuls, M. da Costa-Cabral et ses collègues désespérèrent un instant de pouvoir conjurer les périls de la situation. Le ministre des finances lui-même, M. le baron de Tojal, était tombé dans un si grand découragement, qu’il aurait immédiatement remis sa démission entre les mains de la reine, si, à force d’instances, M. da Costa-Cabral n’était parvenu à le retenir auprès de lui. Avant de se séparer, les membres du cabinet nommèrent une commission chargée de proposer un moyen quelconque d’en finir avec les difficultés du moment. Dans cette commission devaient siéger les plus habiles financiers de Lisbonne, MM. Félix Pereira de Magalhães, Florido, Roma et Jose da Silva-Carvalho. A peine réunis, les quatre commissaires déclarèrent qu’ils ne voyaient aucun remède au mal profond qui minait le crédit public et menaçait de le tuer tout-à-fait, si les ministres ne se décidaient à se départir de leur politique arbitraire ; pour la seconde fois, M. da Costa-Cabral et ses collègues se virent complètement abandonnés.

Réduit à l’extrémité, M. da Costa-Cabral se détermina sur-le-champ à faire une émission nouvelle de titres de la dette publique, jusqu’à concurrence de 2,000 contos de reis (12 millions de francs) ; mais ici le ministre se venait heurter à des obstacles plus difficiles encore à surmonter. Nous l’avons dit, une junte spéciale, — la junte de crédit public, — est chargée, à Lisbonne, de veiller sur la dette nationale ; cette junte, créée par la révolution de septembre, a pour mission d’empêcher qu’on ne porte atteinte aux intérêts des créanciers et à ceux de l’état ; c’est pour cela que sur les quatre membres dont elle se compose, deux sont nommés par les créanciers, un par la chambre des députés, le quatrième par le gouvernement. Le jour où M. da Costa-Cabral leur communiqua son projet, tous les quatre s’accordèrent à le combattre ; comme le ministre persistait dans sa résolution, ils adressèrent à la reine une représentation respectueuse, mais ferme et très nettement motivée, où ils déclaraient qu’en aucune circonstance, on ne les pourrait contraindre à reconnaître les nouvelles inscriptions. Un instant, M. da Costa-Cabral eut la pensée de pratiquer l’émission à Londres, mais l’agent financier qui, à Londres, vis-à-vis des créanciers anglais, représente le gouvernement de Lisbonne, ayant été consulté sur l’opportunité d’une telle mesure, répondit de façon à ôter jusqu’à la moindre espérance de succès ; bon gré mal gré, il fallut renoncer à l’emprunt.

Contraint de recourir à d’autres moyens pour subvenir aux besoins du lendemain et à ceux de l’heure présente, M. da Costa-Cabral se souvint du