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des membres de la famille royale les apanages et presque tous les grands gouvernemens du royaume. La plupart des hauts seigneurs avaient transporté leur domicile à la cour, et c’était contre les princes de son sang que la royauté était désormais appelée à défendre ses prérogatives. Le Louvre était devenu le centre de toutes les intrigues, le siège de tous les complots, le foyer où toutes les ambitions venaient se concentrer pour exploiter la faveur du monarque ou s’imposer à lui par la force.

Jamais la royauté n’avait été entourée de plus d’éclat, et jamais elle n’avait été plus impuissante. La force était partout, excepté dans ses mains. Les grandes villes s’administraient elles-mêmes et traitaient avec les envoyés du prince du haut de leurs remparts crénelés ; le clergé, indépendant par sa richesse territoriale et régi par ses propres assemblées, ne tenait à la couronne que par les heureuses dispositions du concordat récemment conclu par François Ier. Si la noblesse avait cessé d’exercer dans ses domaines la souveraineté à laquelle elle aspirait en d’autres temps, elle en avait conservé l’administration presque tout entière. Ses baillis y appliquaient les lois, les fourches de ses justices épouvantaient les peuples, et ses membres se présentaient seuls aux montres pour former les contingens militaires, dont la couronne ne disposait que pour un temps fort court et sous des conditions déterminées. Les parlemens, élevés par la politique royale pour combattre l’aristocratie féodale, commençaient à fonder leur indépendance et réclamaient des droits que la royauté entendait concentrer entre ses mains. La faculté de choisir parmi les princes du sang et les grands du royaume des gouverneurs de province investis, par le seul fait de leur nomination, de toutes les prérogatives de la souveraineté, le pouvoir de lever quelques compagnies régulières et de soudoyer des reîtres à l’étranger pour les opposer aux armemens des dépositaires infidèles de leur autorité, telles étaient les seules attributions de la couronne au moment où la plus grande crise des temps modernes vint troubler toutes les consciences, remuer tous les intérêts, agiter toutes les passions, de l’une à l’autre extrémité de l’Europe.

Lorsque la lance de Montgommery eut frappé Henry II dans les pompes d’une fête, il fut facile de prévoir à quelle impuissance la royauté serait réduite, et quel abîme de calamités allait s’ouvrir pour le royaume. Des princes dont l’aîné portait au front le signe de sa mort prochaine, et dont les autres touchaient encore à l’enfance, survivaient seuls de cette maison de Valois qui avait régné sur la France pendant plus de deux siècles. Ils avaient tous hérité de la légèreté