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plaisir. Celle-là, Henri de Valois la poursuit avec une ardeur inextinguible : en Pologne, où il croit trouver le plaisir sous une couronne ; dans les cours d’Allemagne et d’Italie, où il s’arrête comme un touriste désœuvré, entre les soucis de la royauté qu’il abandonne et de la royauté qu’il va prendre. Il change de royaume comme de maîtresse, et pendant que le duc de Guise élève en face de lui l’édifice de ses audacieuses espérances, on le voit poursuivre avec persévérance la laborieuse recherche du plaisir, tantôt dans l’éclat de fêtes somptueuses, tantôt sous le froc des pénitens. Sa précoce vieillesse demande à la nature entière des émotions qu’elle lui refuse. Il dissipe la fortune publique en des profusions inouies ; il essaie, pour réchauffer ses sens, des voluptés hideuses, et lorsqu’à la livrée du plaisir il associe celle de la mort, la terrible joie du sacrilège jette à peine quelques lueurs dans les ténèbres de cette ame éteinte.

L’impuissance physique du monarque était devenue aux yeux des peuples le signe même de sa dégradation morale. Elle ouvrait le champ à toutes les ambitions, et semblait légitimer tous les attentats. Lorsque la tombe s’était refermée sur le duc d’Alençon, dernier fils de Henri II, après une vie de complots avortés et de trahisons domestiques, Henri III, à peine âgé de trente ans, avait déjà perdu l’espoir de continuer sa race, et derrière cette royauté avilie, dont un coup de poignard ou les excès d’une orgie pouvaient soudainement terminer le cours, un abîme s’ouvrait devant la France. La branche la plus rapprochée du trône était représentée par un prince calviniste, qui, séparé de sa femme, n’avait pour héritiers que les princes de la maison de Condé, élevés dans le protestantisme le plus fervent. La question dynastique se trouvait donc nécessairement posée, et il était impossible que le grand péril de l’avenir ne pesât pas déjà de tout son poids sur ce malheureux règne.

On a accusé la maison de Guise d’avoir créé tous les embarras de cette époque ; il serait plus exact de lui reprocher d’en avoir profité avec une habileté rare. L’extinction prochaine de la branche régnante, l’avènement imminent d’une maison huguenote, et la lutte dès-lors inévitable du principe religieux contre le principe héréditaire laissaient pressentir à tous les esprits le recours, si dangereux dans tous les siècles, à la décision suprême de la nation.

Par ses grandes qualités personnelles et par le souvenir de son père, le jeune duc de Guise exprimait plus complètement qu’aucun autre prince de son temps la pensée religieuse, qui faisait alors le fond de la nationalité française. Il comprit de bonne heure l’importance de ce