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En somme, il nous paraît probable que, tant que vécut Simon, les travaux durent être languissans, et se borner, soit à l’enlèvement des décombres, soit à des démolitions ou à des réparations partielles, tandis que, sous Beaudoin II, ils furent certainement conduits avec ardeur et persévérance ; enfin, si l’on nous demandait de désigner l’année où la reprise de ces travaux dut commencer à devenir active et efficace, les faits que nous venons de citer nous feraient croire que c’est en 1153.

Maintenant, peut-on présumer que Beaudoin acheva son œuvre, et qu’à sa mort, en 1167, la construction de la cathédrale était complètement terminée ? Nous ne le pensons pas. D’abord nous avons vu combien, en général, les monumens du moyen-âge s’édifiaient lentement. Les travaux de la cathédrale de Senlis se sont continués sans interruption pendant plus de trente ans, spatio annorum tringinta et amplius[1], ceux de Braisne pendant trente-six ans ; ceux de la cathédrale de Paris étaient à peine achevés au bout d’un siècle[2]. Or nous ne voyons aucun motif pour qu’on eût fait preuve à Noyon d’une plus grande diligence. Nous avons au contraire une raison de supposer qu’en 1167, à la mort de Beaudoin, l’édifice n’était pas complètement terminé, car nous voyons que, contrairement à l’ancien usage, cet évêque ne fut pas enterré dans la cathédrale, et que son corps fut porté à Ourscamp[3]. N’en pourrait-on pas conclure que l’édifice, encore

  1. Gallia christiana, t. IX.
  2. Les constructions entreprises par Suger à Saint-Denis furent beaucoup plus rapidement exécutées, en trois ans et trois mois ; mais aussi Suger cite le fait comme un miracle. Dans cette même abbaye de Saint-Denis, à une époque où le trésor n’était pas moins riche que du temps de Suger, et où les moyens d’exécution étaient au moins aussi puissans, on voit les travaux de reconstruction du chœur et de la nef se continuer pendant cinquante ans, de 1231 à 1281. Aussi les constructions du XIIIe siècle ont duré jusqu’à nos jours, tandis que celles du XIIe, si promptement terminées, menaçaient ruine au bout de quatre-vingts ans
  3. L’évêque Simon avait aussi été enseveli dans l’église d’Ourscamp. Comme il en était le fondateur, cette exception, en ce qui le concerne, s’expliquerait assez naturellement ; mais les trois successeurs de Simon furent comme lui enterrés à Ourscamp : or, il n’existait à leur égard aucun motif de violer une règle si constamment observée. Avant la mort de Simon, on ne pouvait citer que deux évêques de Noyon qui n’eussent pas été ensevelis dans la cathédrale, savoir, Beaudoin Ier, enterré, en 1068, dans le couvent de Saint-Barthélemy, et Fulchaire, enterré, en 955, dans le monastère de Saint-Éloi. Tous les autres évêques, depuis 936 jusqu’en 1148, et depuis 1228 jusqu’à la fin du XIVe siècle, ont été ensevelis dans la cathédrale. Pendant la réunion des deux évêchés, certains prélats voulurent être enterrés à Tournay, d’autres à Noyon, mais jamais hors de l’une des deux cathédrales. N’avons-nous donc pas quelque raison d’attacher une certaine importance à cette interruption d’un usage si ancien, surtout lorsqu’elle correspond à une période pendant une grande partie de laquelle la cathédrale devait, selon toute apparence, être en voie de reconstruction ?