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incontestable, même aux yeux de ses ennemis. Du moment où l’on reconnaissait la puissance du droit héréditaire, et où l’on ne fondait l’exclusion du chef de la branche aînée que sur une incapacité déterminée, il était évident que le droit de ce prince se reproduirait dans toute sa force aussitôt que sa position religieuse serait changée.

L’Espagne, de son côté, par suite des préoccupations paternelles de Philippe II, subordonna toujours à l’élection de l’infante le succès de la grande cause catholique ; elle vit dans la ligue un moyen de donner la couronne de France à une princesse d’Autriche, et de prendre des places fortes à sa convenance. Le cabinet de l’Escurial traita avec tout le monde sans omettre les politiques ; il fit diverses ouvertures au roi de Navarre lui-même qu’il aurait reconnu sans hésiter, sous condition de consentir au démembrement de son royaume. Entretenant la guerre civile par des subsides et par des secours insuffisans pour la terminer, l’Espagne laissa penser à tous les partis que l’impuissance de la France valait à ses yeux plus qu’une victoire. Que l’on ajoute à l’impopularité inséparable d’une telle politique l’antipathie inspirée à la bourgeoisie ligueuse par la hauteur de la hidalgie castillane, le désaccord inévitable entre une garde bourgeoise et une armée étrangère formant ensemble la garnison d’une grande capitale ; qu’on songe aux conflits journaliers que ne pouvait manquer d’engendrer une situation révolutionnaire durant laquelle aucun pouvoir n’était défini, et l’on se convaincra que la ligue a succombé principalement par l’effet de l’intervention étrangère.

A l’égoïsme des prétentions vint se joindre la lutte qui s’ouvrit promptement entre les différentes classes de citoyens associés dans la sainte-union. Ce grand mouvement populaire avait traversé la phase bourgeoise et la phase démocratique ; puis, selon l’invariable formule de toutes les révolutions, la crainte provoqua au sein des classes moyennes la réaction qui ouvrit à Heuri IV les portes de sa capitale.

Après l’expulsion de Henri III, lorsque les capitaines des quartiers, les procureurs au Châtelet et les marguilliers des paroisses se trouvèrent revêtus de la plus haute puissance politique et maîtres souverains de la Bastille et du Louvre, un tel changement parut fort doux à la bonne bourgeoisie parisienne, y compris la plupart des membres des cours et tribunaux ; mais lorsqu’on vit le président Brisson et les conseillers Tardif et Larcher pendus en Grève par la justice sommaire de quelques démagogues, arbitres suprêmes des destinées d’une opulente capitale, on commença, dans les parloirs des marchands et sous les hauts lambris des parlementaires, à s’inquiéter de l’avenir