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pensionne, les hommes importans de la sacristie et des halles, et donne une place de prédicateur de la cour au célèbre Lincestre lui-même[1]. Il prodigue aux membres du parlement restés à Paris sous le gouvernement de la ligue toutes les charges de l’administration et toutes ses faveurs personnelles, pendant qu’il se montre réservé jusqu’à la froideur pour les parlementaires émigrés à Tours et demeurés fidèles à sa fortune ; ce prince pratique enfin, en toute occasion, la maxime qu’il n’y a pas à s’occuper de ses amis lorsque leur dévouement est assuré.

La lassitude générale avait amené la restauration. Ce qu’elle représentait pour le pays, c’était le désarmement des partis et la fin de la guerre. Le besoin et l’espoir de la paix assurèrent à cette restauration, non pas la bruyante popularité dont se sont complu à la doter les peintres et les poètes, mais cette popularité calme et froide que donnent pour un temps les intérêts satisfaits. En même temps qu’il achetait ses ennemis en paraissant leur pardonner, Henri entamait avec l’Escurial une négociation dont l’issue pouvait désorganiser complètement la faction instrument dévoué de l’Espagne et si long-temps soutenue par ses subsides. S’il avait cru devoir, après son entrée dans sa capitale, faire acte de puissance royale en déclarant solennellement la guerre au roi catholique, les besoins de sa politique lui commandaient impérieusement de la terminer. Engagé comme l’était Philippe II, le succès d’une telle négociation ne paraissait pas facile, quelque désir que pût éprouver le vieux monarque dans l’intérêt de son faible successeur. Une patience à toute épreuve et une mesure extrême pouvaient seules la faire réussir. Henri IV ne se laissa détourner de ce but, devenu la principale nécessité de sa politique parce qu’il était la plus chère espérance de ses peuples et la condition tacite de son avènement, ni par les lenteurs inséparables de toute transaction avec l’Espagne, ni par le redoublement de violences et d’insultes que ses succès provoquèrent au-delà des Alpes et des Pyrénées. Depuis ses nobles procédés envers la garnison espagnole, à son entrée dans Paris, jusqu’au combat de Fontaine-Française, à la reprise d’Amiens, et au long siège de La Fère, toutes ses opérations et tous ses actes furent soigneusement calculés pour atteindre le résultat capital de ses efforts et de ses vues.

Se faire absoudre à Rome, se faire reconnaître à Madrid, entrer enfin dans la grande communion catholique par la double consécration

  1. Journal de Henri IV, t. II, p.74.