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à faire un royaume en exploitant sa position de gardienne des Alpes, subissant l’influence des cantons suisses et des Provinces-Unies, où l’esprit municipal avait enfanté des nations, la France avait aussi sous les yeux le dangereux exemple de cet empire d’Allemagne que l’aristocratie princière tentait de dissoudre au profit de sa puissance. Un d’Epernon en Saintonge, un Lesdiguières en Dauphiné, un duc de Mercœur en Bretagne, menaçaient la puissance des rois non moins sérieusement que les maisons de Saxe ou de Hesse pouvaient menacer celle des empereurs.

À ce péril de l’hérédité des gouvernemens provinciaux, contre lequel luttait depuis long-temps la royauté des Valois, la ligue était venue en ajouter un autre. Elle avait éveillé la bourgeoisie et le peuple lui-même à la vie politique, et le mouvement communal du XIIIe siècle paraissait prêt à se développer sous un aspect nouveau. Un lien plus intime resserrait les corporations dont était parsemé le sol de la France, et les villes, par de longs sacrifices, quelquefois par d’héroïques résistances, avaient rajeuni tous les droits conquis en d’autres siècles. La réaction catholique aidait singulièrement à ce retour vers un passé tout illuminé par la foi, et, chose digne de remarque, les espérances poursuivies par les réformés ne lui étaient pas moins favorables. Ainsi le pouvoir monarchique se trouvait également menacé par les prétentions du parti territorial, représenté par les gouverneurs de province, et par l’émancipation de la bourgeoisie que le catholicisme groupait à Toulouse, autour du Capitole, tandis que la réforme la réunissait en armes dans l’enceinte imprenable de La Rochelle. L’ame attristée de Henri IV avait pénétré toute la portée de ce redoutable mouvement dirigé contre l’unité du royaume, et qui ne fut contenu sous le règne de son successeur que par la subite intervention d’un grand homme. Il ne proposa pas un autre but à son règne que de lutter par avance contre des périls inévitables et prochains. Ce prince mit son habile modération et sa prudence consommée au service de la cause que le formidable héritier de sa pensée politique fit triompher par le glaive du bourreau.

Le chef de la maison de Bourbon ne lutta pas avec moins de persévérance contre les libertés municipales que contre les prétentions seigneuriales. Il énerva les unes en substituant graduellement aux pouvoirs mal définis des officiers électifs une administration régulière et un puissant système financier ; il travailla à désarmer les autres en faisant prévaloir l’esprit de caste sur l’esprit aristocratique, et la vie de cour sur la vie de château. Henri IV, porté au trône par la noblesse provinciale, se fit le chef des gentilshommes de race contre