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Montezuma, inspirait le plus profond respect et le plus grand effroi. Dans sa première entrevue avec Teutlile, gouverneur de la province où il avait débarqué, qui était un militaire plein de courtoisie, véritable homme de cour, remarquable par son intelligence et sa finesse, Cortez ayant dit à cet officier qu’il était l’envoyé d’un grand empereur, aussi renommé que son propre maître, Teutlile reçoit avec l’air de la stupéfaction la nouvelle qu’il puisse exister quelque part un souverain d’une puissance égale à celle de Montezuma. Quelques semaines après le débarquement, Cortez, dans une entrevue avec un cacique, lui demande de qui il est le vassal : « Eh ! répond le chef, de qui peut-on l’être, si ce n’est de Montezuma ? » Plusieurs mois plus tard, quand il s’est avancé dans l’intérieur, après sa lutte contre les Tlascaltèques, interrogeant un autre chef, il s’informe si Montezuma n’est pas son souverain : « De qui Montezuma n’est-il pas le souverain ? » fut la réponse. Un luxe inoui régnait autour de la personne de ce prince. L’étiquette était de lui parler les yeux baissés : « Je crois, dit Cortez à Charles-Quint, qu’il n’y a pas de soudan, pas de prince infidèle connu jusqu’aujourd’hui, qui se fasse servir avec autant de faste et de magnificence ; » et ici, dans la bouche de Cortez, le mot de soudan et de prince infidèle est une manière de superlatif. Les paroles conservées par Bernal Diaz, par lesquelles l’empereur aztèque accueillit Cortez lorsqu’il lui donna audience dans son palais à Mexico, montrent ce qu’il était pour les populations du Nouveau-Monde, et par conséquent ce qu’il pouvait accomplir, entreprendre ou espérer avec des guerriers aussi braves et aussi innombrables que ceux de ses armées : « Vos amis de Tlascala vous auront probablement raconté, dit-il avec un sourire, que j’étais semblable aux dieux, que j’habitais des palais d’or, d’argent et de pierreries ; mais, vous le voyez, ce sont des contes sans fondement. Mes palais sont, comme les habitations de tous les hommes, de pierre et de bois. Mon corps, ajouta-t-il en découvrant son bras, est, regardez-le, de chair et d’os comme le vôtre. Certes, je tiens de mes ancêtres un immense empire, j’ai de grands territoires, de l’or et de l’argent, mais… »

Allons cependant au fond des choses ; examinons ce qu’était le capital intellectuel et matériel de l’empire mexicain, à quelle hauteur morale il était parvenu, quelle en était la condition religieuse.


II – DES ARTS ET DES SCIENCES CHEZ LES MEXICAINS

La première de toutes les richesses, la population, y était fort abondante. La formule accréditée était que Montezuma comptait trente