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comme les métropoles de la Grèce, comme Thèbes et Memphis, plus heureuses encore que Babylone, Ninive et Persépolis, dont on connaît à peine le site. Mexico avait plus de 300,000 ames. Elle était beaucoup plus vaste que la ville moderne rebâtie par Cortez autour du même centre, et celle-ci compte au moins 150,000 ames[1]. Tezcuco en avait 150,000 ; Iztapalapan, au moins 60,000. Au pied du versant opposé de la chaîne neigeuse qui domine Mexico, la cité sacerdotale et marchande de Chololan (Cholula) n’avait pas moins de 100,000 ames.

Une population nombreuse est l’indice d’un certain avancement de la civilisation. Là où beaucoup d’hommes sont agglomérés sur le même espace, il faut de l’industrie pour les nourrir, des lois régulières pour adoucir les frottemens. Afin de maintenir en paix cette multitude, il faut des mesures d’ordre et de prévoyance, et la prévoyance et l’ordre impliquent la science.

L’industrie humaine était déjà remarquable sur le plateau. L’agriculture, le premier des arts, la mère nourricière des états, était florissante. On sait en vertu de quel admirable privilège le sol mexicain est propre à toutes les cultures. Par l’effet de l’élévation graduelle du terrain depuis le niveau de la mer jusqu’à un immense plateau qui atteint 2,000 et 3,000 mètres, et sur lequel s’élèvent encore des cimes couronnées de neiges éternelles, il présente sous la zone torride, dans un espace raccourci, la succession de tous les climats, depuis les plaines ardentes des rivages qui produisent l’indigo jusqu’aux flancs du Popocatepetl où, pendant que l’œil plonge dans la terre chaude, on foule aux pieds les lichens, la végétation de l’Islande et de la baie d’Hudson. La flore mexicaine est d’une grande richesse. Avec le maïs et la banane, les Mexicains cultivaient le coton qu’ils excellaient à filer et à tisser. Ils avaient le cacao dont ils faisaient un breuvage que le grand Montezuma affectionnait, et dont l’Espagne et toute l’Europe se délectent aujourd’hui ; c’est le chocolat, désigné encore par le nom que lui donnaient les Aztèques (chocolatl). Ils n’avaient pas le café, ni la canne à sucre, mais ils tiraient le sucre de la tige du maïs. Ils cultivaient

  1. « C’est sur le chemin qui mène à Tanepantla et aux Ahuahuetes que l’on peut marcher plus d’une heure entre les ruines de l’ancienne ville. On y reconnaît, ainsi que sur la route de Tacuba et d’Iztapalapan, combien Mexico, rebâti par Cortez, est plus petit que l’était Tenochtitlan sous le dernier des Montezuma. L’énorme grandeur du marché de Tlatelolco, dont on reconnaît encore les limites, prouve combien la population de l’ancienne ville doit avoir été considérable. (Humboldt, Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, t. II, p.43.)