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que les Mexicains ne pouvaient avoir eu avec l’ancien continent que des rapports accidentels, et qu’ils n’étaient point des colons émigrés de l’Asie. On pourrait tirer la même conclusion de ce qu’ils ne connaissaient pas la soie, qui joue en Chine un si grand rôle[1]. Les Mexicains n’avaient pas même I’alpaca du Pérou. Le mouton et la chèvre leur étaient également inconnus. On comprend tout de suite quelle lacune l’absence des grands quadrupèdes laisse dans une civilisation. On peut se passer du mouton, plus aisément encore de la chèvre ; mais, quand on manque de bêtes de somme, il faut que l’homme en prenne la place. De là, pour une partie des populations, une existence servile. Tous les transports donc, dans l’empire aztèque, se faisaient à dos d’homme ; les chefs allaient en litière sur les épaules de tamanes (porteurs). Pareillement en Chine, quand on est hors des vallées des grands fleuves ou loin des canaux, le transport à dos d’homme est d’usage ordinaire. Il n’en est plus ainsi au Mexique. Les mulets pour le grand commerce, et les ânes pour l’approvisionnement des villes, ont délivré l’homme de ce labeur pénible et humiliant. Dans les seuls districts montagneux, l’habitude de transporter à dos d’homme de lourdes charges, des bois même, s’est perpétuée[2].

Pour transmettre les nouvelles et les ordres, Montézuma avait des relais d’hommes organisés avec une vitesse à peu près égale à celle de nos malles-postes qui brûlent le pavé. Grace à ces rapides coureurs, sur sa table somptueuse on servait du poisson qui, la veille, nageait dans le golfe du Mexique. Aujourd’hui que les chevaux abondent au Mexique, et qu’il y a une route carrossable de Mexico à la Vera-Cruz, personne ne songe plus à se passer, même pour une fois, pareille fantaisie.

Comme par reconnaissance envers la nature qui leur avait prodigué les trésors du règne végétal, les Mexicains avaient la passion, le culte des fleurs. Dans de splendides jardins, ils réunissaient, à grands

  1. Les Aztèques connaissaient une sorte de ver-à-soie, mais elle était tout-à-fait différente de celle qui s’élève en Chine ou généralement dans l’ancien continent ; si l’on vendait à Mexico un peu de cette sorte de soie, ce n’était qu’une industrie sans importance. On a même contesté qu’elle existât. Il est donc permis de dire qu’en tant que production d’une utilité nationale, la soie ne se trouvait point chez les Aztèques.
  2. D’après M. de Humboldt, la charge ordinaire de ces hommes est de trente à quarante kilogrammes.