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s’être inspiré à la fois de la pensée qui a dicté à Juvénal ses beaux vers :

Expende Annibalem, quot libras in duce summo[1]


et des paroles que le prêtre chrétien adresse à chaque fidèle le mercredi des cendres, en lui faisant un signe sur le front :

« Hélas ! si je vous conduisais dans les détours obscurs de ces panthéons et si je vous demandais où sont les os du puissant roi qui fut le premier chef des anciens Toltèques, et ceux de Necaxecmitl, le pieux adorateur des dieux ; si je vous sommais de m’apprendre quels sont les restes de l’impératrice Xiuhtzal à l’incomparable beauté, et du pacifique Topietzin, dernier souverain du malheureux royaume toltèque ; si je vous disais de m’indiquer quelles sont les cendres sacrées de notre premier père Xolotl, celles du très magnifique Nopaltzin et du généreux Tlotzin, et même celles encore chaudes de mon père, glorieux et immortel malgré ses malheurs ; si l’on vous adressait de pareilles questions sur tous nos illustres ancêtres, que répondriez-vous si ce n’est ce que je répondrais moi-même : indipohdi, indipohdi, je n’en sais rien, je n’en sais rien ; car les premiers et les derniers sont confondus pêle-mêle au sein de la terre. Ce qu’il en est d’eux, il en sera un jour de nous-mêmes et de ceux qui viendront après nous. »

Il termine par ces consolantes paroles :

« Mais demeurons pleins de courage et de confiance, nobles chefs, et vous aussi, amis fidèles, loyaux sujets. Aspirons au ciel où tout est éternel et où chaque chose défie la corruption. La tombe avec ses horreurs est le berceau du soleil et les ombres lugubres de la mort sont des lumières éblouissantes pour les espaces étoilés[2]… »


IV – DE LEUR CONSTITUTION POLITIQUE ET SOCIALE

L’empire mexicain était une fédération de trois royaumes qui s’étaient formés chacun par l’agglomération volontaire ou forcée de plusieurs des peuplades de la famille des Nahuatlacs : c’étaient le royaume des Aztèques, dont la capitale, avons-nous dit, était à Tenochtitlan (Mexico), celui des Acolhues ou Tezcucans, dont le roi résidait à Tezcuco de l’autre côté du lac, et enfin le moindre royaume de Tlacopan (Tacuba). A l’origine, ces trois états étaient d’un rang égal, et s’il y

  1. « Mets les restes d’Annibal dans la balance. Combien pèse-t-il, ce guerrier puissant qui, etc. »
  2. L’obscurité de ce passage doit être attribuée à ce qu’il a un sens mystique et se rapporte aux idées des Mexicains sur la vie future. Ils plaçaient leur paradis, dans les stations du soleil.