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les grappes de raisin que les Juifs affamés par quarante ans de désert trouvèrent dans le pays de Chanaan. Le coton s’offrait sur l’arbre, teint des plus riches couleurs ; l’air était rempli de suaves parfums, et des oiseaux au brillant plumage faisaient entendre sans cesse une tendre mélodie. Cependant ce dieu paternel pour les hommes encourut l’inimitié d’une divinité plus puissante, et fut obligé de quitter le pays. En s’exilant, il s’arrêta dans la ville de Cholula, où, par la suite, on lui éleva un temple dont la base pyramidale subsiste encore. Parvenu au bord du golfe du Mexique, il prit congé des fidèles qui l’avaient pieusement suivi, en leur promettant que ses descendans ou lui-même reparaîtraient un jour, et se jetant dans son esquif, fait de peaux de serpent, il se dirigea vers le mystérieux pays de Tlapallan, dont on ne savait rien, sinon qu’il était à l’orient, au-delà des mers (c’est-à-dire dans la même direction que l’Europe). La fable de Quetzalcoatl était-elle une tradition, sous forme merveilleuse, de la domination des Toltèques, qui avaient apporté dans le pays les arts et les sciences et avaient disparu, ou se fondait-elle sur le récit de l’apparition, en quelque point du continent américain, de quelque enfant perdu de l’Europe, sur l’aventure de quelque navigateur que le grand courant équatorial, ou les vents alisés, ou la tempête, avaient jeté sur les rivages du golfe mexicain, ou bien indiquait-elle une connaissance nuageuse des expéditions des Scandinaves en Amérique pendant le Xe, le XIe et le XIIe siècle ?

Quoi qu’il en soit, le souvenir du bon temps de Quetzalcoatl et l’espoir de son retour étaient gravés dans les esprits. On l’attendait comme un messie. Ces populations de peaux-rouges, à la barbe claire et raccourcie, rappelaient à leurs enfans que Quetzalcoatl était haut de taille, qu’il avait la peau blanche, les cheveux noirs et une longue barbe. On ne s’y fût pas pris autrement si on avait voulu prédire l’arrivée des Espagnols.

La tradition de Quetzalcoatl n’est pas dénuée de ressemblance avec la mythologie antique ; mais les Mexicains avaient des légendes qui ressemblaient bien autrement aux récits fabuleux de la Grèce. Lorsqu’on parcourt ce qui nous en a été conservé, souvent on croirait lire les métamorphoses d’Ovide. J’en citerai comme exemple un extrait de Boturini, qui n’a point été traduit :

« Un homme nommé Yappan, désirant mériter la faveur des dieux, quitta sa femme et sa famille, se retira dans le désert pour y mener une vie chaste et contemplative, et se construisit une cabane près d’un autel de pierre consacré à la pénitence ; mais les dieux, qui doutaient de la sincérité de sa conversion,