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rigoureuse encore, un acheminement vers la suppression des hospices d’enfans trouvés. O Vincent de Paule, ton œuvre fut battue en brèche de tous côtés, les établissemens que créa ta main charitable passèrent pour des fléaux du genre humain ! Au nom de Malthus, on t’accusa d’avoir décimé la population ! Une science inconnue de ton temps, la statistique, établit qu’en contribuant à augmenter le nombre des enfans trouvés, les hospices dont tu fus le fondateur avaient étendu les lois d’une mortalité sauvage sur une plus forte masse d’individus. Ta charité, ô malheureux apôtre, avait donc été en définitive une vertu nuisible et meurtrière ! Nous négligerons ces attaques. Il n’est pas vrai que les établissemens d’enfans trouvés aient versé sur la société tous les maux qu’on leur reproche. Ces asiles publics ont répondu aux besoins des deux derniers siècles. Il y avait de malheureux enfans jetés sur le pavé de la rue : un bon prêtre sentit le besoin de les ramasser dans un pan de sa robe ; la charité chrétienne en eût fait autant à sa place. De tels établissemens sont-ils devenus inutiles de notre temps par le progrès des mœurs ? Non, puisque les mêmes maux et les mêmes besoins existent. Il y a encore des petits enfans privés de mère. Que deviendraient sans les hospices le plus grand nombre de ces enfans nouveau-nés qu’on expose chaque jour ? Ils mourraient. Ce seul mot tranche pour nous la question et donne raison à Vincent de Paule contre Malthus. Il est vrai que l’administration ne se montre point si aisément convaincue : que nous dit-elle ? Beaucoup de mères qui n’auraient point abandonné leur enfant, si elles avaient cru l’exposer à la mort, se décident à cet acte contre nature, quand elles savent que leur enfant sera recueilli. Sans doute les hospices admettent quelques abus, mais mieux valent dix abus qu’un crime. Est-il d’ailleurs bien moral de suspendre un pareil glaive au-dessus de la résolution d’une pauvre mère, pour la forcer à remplir son devoir ? Il peut s’en trouver une que le danger de mort de son enfant n’arrête pas. Nous croyons qu’il y aurait de la barbarie à calculer les chances qui suffisent exactement à sauver les nouveau-nés de la destruction, car il peut arriver qu’une chance sur cent vienne à manquer, et l’on ne peut jouer sans une légèreté criminelle avec la vie que Dieu a mise dans ces enfans.

De tels calculs ont pourtant été faits. Il s’est rencontré des lumières complaisantes pour mettre la science au service des théories administratives. Il s’agissait de prouver que le nombre des infanticides et des autres crimes contre les naissances n’avait point augmenté dans les départemens où les nouvelles mesures avaient été appliquées. M. Remacle a dirigé vers cet objet des recherches fort savantes à coup sûr ; ces recherches