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encore plus d’une objection, plus d’une critique ; nous ne nous arrêterons pas plus long-temps cependant, car nous croyons, par ce qui précède, avoir suffisamment démontré la nécessité d’une réforme. Seulement cette réforme ne sera possible, et ici nous ne faisons que répéter l’opinion des hommes les plus compétens, que le jour où l’on aura établi dans le classement et la distribution matérielle des divisions, non pas fictives, mais rationnelles et basées sur l’ordre logique des sciences. Pour arriver à ce résultat, il faut, avant tout, des hommes compétens dans chaque branche de nos connaissances l’adjonction des spécialités, tel serait donc le dernier mot de cette réforme bibliographique.


IV.

Nous connaissons maintenant, autant du moins que peut le permettre l’immensité du dépôt, les quatre départemens qui composent la Bibliothèque du roi. Nous avons vu sur quels points portaient surtout les difficultés, les embarras ; il nous reste à donner quelques détails sur l’organisation administrative, les débats soulevés par la reconstruction de la Bibliothèque et les projets de translation. Voyons d’abord l’organisation administrative.

Sous l’ancienne monarchie, le gouvernement de cette riche collection était absolu comme celui du pays ; les emplois subalternes étaient seuls accessibles aux savans, et la charge la plus importante, celle de bibliothécaire, se transmettait comme un héritage dans certaines familles privilégiées. Il arriva même un jour que cette charge fut confiée à un enfant de huit ans, l’abbé de Louvois. La révolution coupa court à cet abus. En 1796, la convention établit l’administration de la Bibliothèque sur des bases nouvelles ; elle créa un conservatoire de huit membres, dont deux pour les imprimés, trois pour les manuscrits, deux pour les antiques, médailles et pierres gravées, un pour les estampes. En cas de vacances par suite de décès ou de démissions, les conservateurs, en vertu du nouveau décret, nommaient eux-mêmes leurs collègues, et chacun d’eux choisissait dans sa section les employés qu’il jugeait aptes au service. De plus, le conservatoire élisait chaque année un directeur temporaire, dont les fonctions se bornaient à surveiller l’exécution des règlemens, à présider aux délibérations. Placés de la sorte en dehors de toute préoccupation politique et ne relevant que d’eux-mêmes, ces conservateurs étaient quittes envers le pouvoir quand ils avaient justifié de l’emploi des fonds ; en retour de leur science et de leurs soins, la république leur allouait 6,000 francs et un logement dans les combles.

L’indépendance que la convention avait faite au conservatoire porta ombrage à Napoléon, qui d’ailleurs n’était point parfaitement satisfait du service. Il songea un instant à créer un directeur-général des bibliothèques, et à confier cette place à M. de Châteaubriand, car en ce moment l’illustre écrivain n’avait point encore rétracté sa dédicace au premier consul. Ce projet n’eut point de suite ; mais Napoléon improvisa dans le conservatoire un 18 brumaire, et nomma un dictateur qu’il choisit, du reste, parmi les conservateurs