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a circulé dans les journaux, même français, une foule de contes non moins ridicules, accrédités par les polices étrangères, et qu’on ne s’arrêterait pas à relever, s’ils ne révélaient l’odieuse intention d’ameuter les pauvres contre les riches.

Profitant de la terreur qu’ils venaient d’inspirer, les insurgés poursuivirent le général Collin au-delà de la Vistule, emportèrent d’assaut Podgorzé, où il s’était retranché, et le forcèrent de reculer dans l’intérieur de la Gallicie jusqu’à Wadowicé, distant de quinze lieues de Cracovie. Revenus à Cracovie, les insurgés proclamèrent aussitôt un gouvernement national sous la présidence du professeur Gorzkowski. Les proclamations lancées dans les campagnes faisaient accourir de toutes parts les paysans, armés de leurs faux en forme de lance, et portant le petit bonnet blanc des anciens temps de la Pologne, connu sous le nom de konfederatka. Tous recevaient des sabres et se formaient en régimens d’infanterie. Des régimens de cavalerie d’élite s’organisaient également. Les anciennes couleurs nationales, le blanc et le rouge pourpre, avec l’aigle blanc, reparaissaient sur tous les uniformes. Dénué de ressources pécuniaires pour nourrir son armée durant les quelques jours nécessaires aux préparatifs de la campagne, le gouvernement implora l’aide du clergé. Les prêtres, la croix en main, avaient partout, durant le combat, encouragé les insurgés ils se hâtèrent d’offrir au gouvernement l’or et l’argent de leurs églises et le riche trésor de la cathédrale. Plusieurs banquiers israélites prêtèrent leur caisse, les petits marchands juifs eux-mêmes équipèrent volontairement, à leurs frais, un corps de cinq cents soldats d’élite, et la jeunesse juive alla se mettre sous les drapeaux. Tous les préparatifs étant achevés, le gouvernement civil de la Pologne se déclara provisoirement dissous ; il nomma pour tout le temps que durerait la guerre un dictateur, Jean Tyssowski, et l’armée, se divisant en plusieurs corps, abandonna Cracovie pour aller propager l’insurrection.

Le gouvernement de Pologne, avant sa dissolution, déclarant qu’il voulait rester en paix avec la Prusse, avait ouvert des négociations avec le comte de Brandebourg, commandant général des troupes prussiennes de Silésie, et avait offert de lui remettre en dépôt la ville de Cracovie pour tout le temps que durerait la campagne ; mais le comte de Brandebourg, soupçonné d’être d’intelligence avec les rebelles, a été rappelé par le cabinet de Berlin, et remplacé par un Allemand pur sang, le lieutenant-général Rohr. Pendant ce temps, le colonel Venedek ayant amené de Léopol un renfort au général Collin,