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PERTAUB-SING.




Procès du Raja de Sattara en Angleterre

A plusieurs reprises il a été question, dans cette Revue, des lointaines et brillantes contrées où l’Angleterre a su fonder un prestigieux empire. On y a parlé de ces Mahrattes turbulens, toujours redoutables, qui, placés au cœur même de la presqu’île indienne, tiennent en éveil la vigilance des dominateurs ; c’est encore d’eux qu’il s’agit dans un procès important qui occupe depuis plusieurs années l’attention de l’Inde anglaise, et dont on suivra peut-être avec quelque intérêt le développement. Dans une si grave circonstance, je ne veux pas seulement étudier un fait historique, essayer la réhabilitation d’un individu obscur, poursuivi, opprimé durant de longues années, comme coupable d’un crime qui n’a jamais été prouvé ; mon but n’est pas non plus de flétrir stérilement, sans profit pour celui qui en a souffert, les intrigues d’une politique honteuse. La révision du procès dont je veux parler peut avoir des résultats plus efficaces : elle tend à amener la réintégration de l’accusé dans ses biens dont on l’a privé, dans l’exercice de ses droits dont on l’a dépouillé, enfin à le replacer sur le trône dont on l’a fait descendre, car ce prétendu criminel est un roi de l’Inde condamné pour haute trahison par la cour toute puissante qui décide du sort des peuples et des monarques d’une partie de l’Asie.

Au printemps de l’année 1817, Bajee-.Rao, qui régnait à Poonah, capitale des Mahrattes de l’ouest, conçut le projet de secouer le joug du gouvernement de la compagnie ; les hostilités éclatèrent dans l’automne de la même année. La guerre dura plus de six mois ; quatre fois vaincu, dépouillé successivement de toutes ses citadelles, qui n’étaient plus imprenables comme dans les temps anciens, Bajee-Rao se rendit à sir John Malcolm. Aux termes de la capitulation, on lui laissa la vie, on lui accorda une somme annuelle assez considérable, et il put se retirer à Benarès, y passer ses jours dans cette médiocrité dorée qui serait le comble du bonheur et de la fortune pour quiconque ne regretterait pas un trône. Cependant, comme la compagnie laissait aux Mahrattes vaincus une ombre d’indépendance, elle voulut leur donner un fantôme de roi. Bajee-Rao n’était, à vrai dire, qu’un usurpateur ; il succédait à cette série de pechwas ou maires du palais, de race brahmanique, qui, s’emparant de l’autorité héréditaire, avaient relégué les princes légitimes à Sattara. Un de ces derniers vivait encore dans cette espèce d’exil, un descendant du célèbre Sivajee, fondateur de l’empire mahratte au XVIIe siècle. Ce fut sur lui que tomba le choix de la compagnie ; seulement, au lieu de l’installer à Poonah, ville fatale, où les conspirations se renouaient sans cesse, on fixa sa résidence à Sattara même. Le territoire borné qui fut mis sous sa dépendance renfermait à peine un million et demi d’habitans ; à Poonah, c’était