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J’aborde un second genre de preuves. Je vais démontrer que l’ancien et véritable droit des gens, en ce qui concerne l’inviolabilité du pavillon, est confirmé par la jurisprudence maritime. Il n’est pas nécessaire de multiplier les exemples, encore moins de les emprunter à tous les tribunaux du monde. Il suffira de faire connaître quelle a été, sur la matière qui nous occupe, et jusqu’aux prétentions élevées en ces derniers temps, la jurisprudence de la Grande-Bretagne. Les arrêts de la haute cour d’amirauté et des tribunaux mixtes, institués pour la répression de la traite des nègres, vont me fournir quelques exemples saisissans.

Le 11 mars 1816, un bâtiment de guerre anglais, la Reine Charlotte, rencontre un navire marchand français, le Louis, près du cap, Mesurado, sur la côte d’Afrique. Le commandant de la Reine Charlotte somme le capitaine du Louis de s’arrêter, de se laisser aborder et visiter. Le capitaine du Louis s’y refuse ; une lutte s’engage. À bord du Louis, un homme est tué, trois sont blessés. À bord de la Reine Charlotte, huit hommes sont tués et douze blessés. Après le combat, le commandant anglais procède à la visite ; il vérifie la nationalité, il constate la nature des opérations. Ayant trouvé que le navire le Louis était français et engagé dans la traite des nègres, il saisit le navire et le traduit devant la cour de vice-amirauté de Sierra-Leone. La demande en condamnation de ce navire est fondée sur deux motifs distincts : 1o  le navire le Louis est français et il fait la traite des nègres contrairement aux traités du 31 mai 1814, du 20 novembre 1815, par lesquels la France s’est engagée envers la Grande-Bretagne à abolir ce trafic ; 2o  le navire a résisté par la force à la visite d’un croiseur anglais dûment commissionné. La cour de vice-amirauté de Sierra-Leone déclara que, ces deux motifs étant fondés, la prise était valable. La condamnation du Louis ainsi que de sa cargaison fut prononcée ; mais les choses n’en restèrent pas là. Les propriétaires du Louis appelèrent de ce jugement devant la haute cour d’amirauté anglaise.

Sir William Scott, depuis lord Stowell, que les Anglais regardent comme la plus grande autorité en matière de droit maritime, était alors juge d’amirauté ; il s’agissait d’un cas dans lequel le sang anglais avait coulé à grands flots, et d’un fait de traite, c’est-à-dire d’un acte universellement odieux aux Anglais. Néanmoins sir William Scott décida que le navire le Louis avait été mal à propos condamné sur l’un et l’autre point : « 1o  parce que, bien que la France se fût engagée envers l’Angleterre, par les traités du 31 mai 1814 et du 20 novembre 1815, à abolir la traite, elle n’avait conféré à l’Angleterre,