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suffisamment senti en France, les hommes d’état de l’Angleterre ne s’y sont pas trompés, et sir Robert Peel a pu dire avec conviction, dans la séance du 8 juillet 1845, que « l’Angleterre n’a renoncé à aucun des avantages sérieux des anciennes conventions. »


Le nouveau droit de visite devant être exercé beaucoup plus fréquemment que l’ancien, les saisies abusives deviendront plus fréquentes, et il sera beaucoup plus difficile d’obtenir la réparation des dommages éprouvés.

Lorsque le droit de visite résultait d’une convention spéciale et volontaire, le gouvernement français avait stipulé des garanties qui n’existeront plus désormais. Ainsi, en cas de saisie des navires français sous l’empire des conventions précédentes, nous avions la garantie qui tenait au maintien de la juridiction française et au droit qu’avaient les tribunaux français de prononcer des dommages-intérêts.

En reconnaissant comme un principe général du droit des gens le pouvoir de constater, par une visite en pleine mer, la nationalité des navires, on aliène en quelque sorte le droit de protéger ceux de ces navires dont le caractère national ne serait pas pleinement justifié.

En cas de saisie évidemment abusive, en cas de violences, de préjudice matériel, le gouvernement français conservera, sans aucun doute, la faculté de demander réparation à l’Angleterre ; mais les réclamations de ce genre sont loin d’avoir l’efficacité désirable. Les réparations pour cause de mauvais traitemens ne sont pas faciles à obtenir. Il s’agit d’actes qui tiennent le plus souvent à un langage grossier, à des formes rudes, à des procédés insultans auxquels les Français sont excessivement sensibles, mais qu’il n’est pas toujours possible de constater, parce que, dans les enquêtes, les faits sont attestés en sens inverse par l’équipage du navire marchand et par l’équipage du bâtiment de guerre.

Quant au préjudice matériel causé par les visites et par les saisies, on pourra souvent les constater ; mais les indemnités obtenues seront en général insuffisantes et beaucoup trop tardives pour être des réparations véritables.

Le meilleur moyen d’apprécier les inconvéniens que le régime nouveau va entraîner pour notre marine marchande, c’est assurément de rappeler les résultats que la vérification du pavillon a eus pour la marine marchande de l’Union américaine. Nous avons vu que depuis le moment où les conventions de 1831 et 1833 ont été mises à exécution jusqu’à ce jour, c’est-à-dire dans un intervalle d’environ douze années,