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de ces soins et des progrès de la science a été de réduire le chiffre de la mortalité pour les enfans trouvés. Autrefois cette mortalité était effrayante. S’il faut en croire une statistique flatteuse, le mouvement de destruction naturelle, qui enlevait encore au commencement de ce siècle une si forte proportion de nouveau-nés dans l’hospice de Paris, aurait diminué de près des trois quarts. Nous ne garantissons pas l’exactitude du chiffre ; toujours est-il qu’il ne faut plus guère chercher dans les agens extérieurs sous l’influence desquels se trouve placée la vie de l’enfant durant son séjour à la Maternité la cause d’un fléau exceptionnel. Non, cette cause doit être cherchée dans l’enfant lui-même, ou, si l’on aime mieux, dans les circonstances qui ont précédé son entrée à l’hospice. La plupart des petits êtres que des bras inconnus délaissent nuitamment dans le tour de la rue d’Enfer ont été conçus au milieu de circonstances désastreuses. Quelques-uns sont nés de l’orgie ; d’autres sont le produit d’une extrême misère : ceux-ci ont souffert dans le ventre de leur mère d’une grossesse dissimulée ; ceux-là ont vu le jour sous les toits, dans des greniers ouverts à tous les vents ; ils sont raidis par le froid, au moment où le tour les amène dans l’hospice. Que peut la science sur de pareils cadavres ? Enfin nous devons dire que l’état de maladie de plusieurs de ces enfans paraît avoir décidé leur abandon : leur mère les eût gardés vivans ; mourans, elle les apporte pour ne point être témoin de leur triste sort. Comme Agar dans le désert, qui dépose son enfant sous un arbre et qui s’éloigne pour ne point le voir mourir, quelques femmes jettent leur enfant à l’entrée de l’hospice, et s’en vont en détournant la tête, car elles désespèrent de le conserver et ne veulent point assister à son agonie.

On conçoit qu’avec de tels antécédens l’hospice soit le tombeau d’une très forte portion des enfans trouvés, surtout durant les premiers jours qui suivent leur admission. Tous les enfans malades sont envoyés à l’infirmerie. Cette section de l’hospice offre, comme la crèche, un tableau parfait de bonne tenue et de propreté. Les médecins sont secondés dans leurs fonctions par des religieuses et des filles de service. On remarque des différences dans la manière dont ces femmes traitent les nouveau-nés chétifs qui leur sont confiés. Toutes ont bonne volonté, elles montrent en général de l’exactitude, mais celles-là seules mettent dans l’exercice de ces pénibles travaux de l’affection et de l’attrait, qui ont reçu de la nature l’amour des enfans. Il ne suffit pas d’être pieuse et charitable pour soigner comme il faut ces nouveau-nés si peu intéressans, il faut être mère. Si la maladie n’est point