Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

versitaires créait pour les ministres responsables des difficultés auxquelles ils n’échappaient pas complètement par la réserve d’un simple droit de veto. Il a fait de grands efforts pour élever le débat à la hauteur d’une question d’attributions constitutionnelles, et il est à croire que ce sera sous cette face qu’il se présentera sous peu de jours à l’autre chambre. M. Thiers paraît décidé à attaquer la mesure de M. de Salvandy au nom même des traditions impériales, sous l’égide desquelles M. le ministre de l’instruction publique s’est efforcé de la placer. Quel que puisse être le résultat de ce nouveau débat, la nécessité d’une loi organique pour reconstituer le conseil royal et régler les conditions du libre enseignement privé paraît désormais démontrée, et, lorsque M. Cousin terminait son discours en s’écriant qu’il demandait une loi, il exprimait l’opinion de tous les hommes politiques, quelle que soit leur manière de résoudre les problèmes qui se rapportent à ce grand intérêt de l’avenir.

M. le comte de Montalembert, qui avait eu la prudence de ne pas offrir à M. le ministre de l’instruction publique un concours dangereux, a trouvé une occasion plus heureuse d’entrer dans la discussion de l’adresse. Il a vivement interpellé M. le ministre des affaires étrangères sur le sort des chrétiens de Syrie, et provoqué des explications, données par M. Guizot d’une manière tellement précise, que le cabinet s’est mis dans la nécessité de triompher sous peu de temps à Constantinople, ou de venir confesser devant les chambres l’impuissance avérée de la France. M. le ministre des affaires étrangères a cru devoir rappeler les phases diverses traversées par cette longue et stérile négociation. En les énonçant après lui, on pourra se convaincre de l’hésitation et de l’incertitude déplorable qui ont présidé aux conseils de la diplomatie de Péra.

Lorsque le bombardement de Beyrouth et la défaite des Égyptiens eurent amené la chute de l’administration fondée en ce pays depuis près de quarante ans par l’un des hommes les plus habiles qu’ait produits l’Orient moderne, on vit se révéler deux tendances, l’une que M. Guizot a qualifiée de dessein chrétien, l’autre qu’il a appelée le dessein turc. Il s’agissait d’un côté de maintenir en Syrie, sous un membre de la famille qui gouvernait traditionnellement le pays, une administration chrétienne ; de l’autre, de soumettre ces malheureuses provinces à l’administration directe de la Porte ottomane. Parmi les plus funestes conséquences du traité du 15 juillet, on peut assurément citer celle-ci. Il était difficile, en effet, que l’Europe, qui venait d’arracher par la force la Syrie à la domination égyptienne, refusât de rendre au gouvernement turc l’usage des droits pour le rétablissement desquels elle avait failli compromettre la paix du monde. La Porte ne tarda pas à paralyser aux mains de l’émir Kassem le pouvoir qu’elle avait un moment consenti à lui confier sitôt après les évènemens de 1840, et elle se mit en mesure de gouverner la Syrie par ses pachas. D’après l’exposé de M. le ministre des affaires étrangères, la France ne se serait fait aucune illusion, dès l’origine, sur les funestes résultats d’une pareille tentative ; elle aurait sinon protesté, du moins