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dans l’intérêt de ses protégés, — M. le ministre le déclare lui-même, — la mise en pratique d’un régime qu’elle n’avait accepté qu’avec répugnance et qu’elle estimait mauvais. En s’appuyant sur la convention de 1842, l’ambassade de France fit décider que, dans tous les districts où les races et les religions seraient mêlées, les chrétiens, sans aucune acception des droits féodaux et de l’ancienne juridiction des chefs druses, seraient placés sous la juridiction exclusive d’un magistrat de leur croyance.

Cette décision, rendue au mois de mars de l’année dernière, a poussé à l’insurrection les Druses dépouillés par là de toute autorité sur leurs vassaux. Alors a commencé dans le Liban cette série de massacres et d’actes exécrables signalés par M. de Montalembert, et qui sont enfin parvenus à éveiller l’opinion publique. Ainsi, en résumé, la France a paru accepter avec satisfaction une combinaison contre laquelle on nous révèle aujourd’hui qu’elle avait protesté dès l’origine ; et lorsque, sur ses instances, ce système a été appliqué en Syrie, lorsqu’il est devenu pour les chrétiens l’occasion d’une oppression et de calamités sans exemple, avec une patience qui pourrait être qualifiée d’un autre nom, la diplomatie de Péra a vu soumettre le pays, pendant quatre années, aux expérimentations les plus diverses. De l’administration de l’émir Kassem, on est passé à celle des deux kaïmacans druse et maronite pour retomber sous la sauvage tyrannie d’un ancien ministre des affaires étrangères envoyé en Syrie dans la pensée que ce choix serait agréable à l’Europe, et constaterait la volonté de la Porte de marcher dans les voies de la civilisation.

Aujourd’hui, grace au ciel, toutes les expérimentations sont terminées, et, soutenue par l’énergique mouvement qui se manifeste enfin dans l’esprit public ; la France reprend la pensée qu’elle avait malheureusement abandonnée au moment où elle se croyait trop faible pour la faire prévaloir. M. le ministre des affaires étrangères a déclaré que l’Autriche s’était récemment ralliée à l’administration unique et chrétienne devenue la base des réclamations françaises : la confiance qu’il a paru exprimer dans le résultat des négociations encore pendantes ne permet pas de douter que l’Angleterre n’incline aussi de ce côté. Si cet accord est obtenu, le vieux fanatisme turc sera vaincu, et les restes de ces malheureuses populations seront enfin sauvés. Un tel résultat suffira pour couvrir bien des hésitations et bien des fautes ; mais que M. Guizot ne l’oublie pas : il est désormais engagé d’une manière si formelle sur la question d’une administration chrétienne du Liban, que, si ce point n’est pas emporté, il restera sous le coup d’un échec grave et irréparable.

Un intérêt plus nouveau a vivement aussi préoccupé la chambre, et se reproduira nécessairement au Palais-Bourbon. M. le comte Pelet de la Lozère a sévèrement critiqué la conduite du cabinet dans l’affaire de l’annexion du Texas ; il a établi qu’en acceptant un rôle actif dans cette négociation, où il lui aurait été loisible de décliner toute intervention, la France était ailée gratuitement chercher une défaite diplomatique, et qu’elle s’était aliéné