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d’écrire sur Phèdre en 1808, sans parler de M. Schlegel, mêle à ses éloges quelques restrictions qui sans doute lui avaient été suggérées par la lecture du parallèle. On pourrait facilement citer de plus illustres exemples, et retrouver la trace des idées de M. Schlegel dans tous ceux qui le combattirent. Tous le suivirent de loin sans le rejoindre, et se donnèrent la satisfaction de s’établir comme en pays conquis sur les champs de bataille qu’il avait quittés la veille. Voilà l’aveu qu’il convenait de faire, et devant lequel on a trop reculé.

Avant de quitter la France, où rien ne le retenait plus, M. Schlegel, conformément au vœu de Mme de Staël, publia, de concert avec M. le duc de Broglie et M. Auguste de Staël, les Considérations sur la Révolution française. Il n’attacha pas toutefois son nom à cette publication ; il craignit que son impopularité ne nuisît au succès d’un ouvrage qui touchait à nos intérêts les plus chers. Ce fut aussi à cette époque, au commencement de l’année 1818, que parurent ses Observations sur la langue et la littérature provençale. Familier avec toutes les langues méridionales, M. Schlegel avait voulu en rechercher les origines. Il aimait à remonter à la source des choses, à les contempler dans leur simplicité primitive. Quand il fut arrivé à la langue romane, il s’arrêta avec complaisance à ce premier germe de l’art moderne ; il salua cette fleur qui, battue de tant d’orages et née au milieu des glaces de l’hiver, annonçait un riche printemps. L’étude des troubadours occupa le peu de temps qu’il put passer à Paris ; il se proposait de composer un essai historique sur la formation de la langue française : il fut prévenu par les premiers travaux de M. Raynouard, publiés en 1816. Dispensé de donner suite à son projet, M. Schlegel se borna à signaler au public la portée de ces travaux, à louer l’érudition et la sagacité de l’auteur. Il était en dissentiment avec M. Raynouard sur un seul point : M. Raynouard avait soutenu l’universalité primitive du provençal dans toutes les provinces romaines, et en faisait descendre toutes les langues méridionales ; M. Schlegel combattit cette assertion, et tenta d’établir que l’italien et l’espagnol, étant visiblement plus près du latin que du provençal, en dérivent sans intermédiaire. Il montra combien serait peu vraisemblable cette altération uniforme d’une langue dans des contrées si vastes, malgré les variétés du sol et les caractères distincts des populations. Cette opinion a été confirmée depuis par la grave autorité de M. Fauriel, et rendue populaire par M. Villemain dans ses leçons sur le moyen-âge. Aujourd’hui, à vrai dire, elle ne rencontre plus de contradicteurs. Si M. Raynouard, en répondant à M. Schlegel dans le Journal des Savans, maintint son assertion, on ne