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LE


CHATEAU BOURET.




« Vous êtes bien homme à n’avoir jamais vu Marly ; venez, monsieur, je vous le montrerai. » Ce furent ces simples paroles, mais dites par Louis XIV, qui décidèrent enfin un riche fermier-général à prêter encore une fois quelques millions au grand roi, auquel il en avait déjà tant avancé. Son cœur d’argent, d’abord impitoyable, se fondit à cette invitation, faite avec le ton caressant que savait si bien employer Louis XIV pour humilier les grands en parlant aux petits et pour obtenir des petits l’or ou les services qu’il ne pouvait demander aux grands.

On sait que le fermier-général fut présenté à Marly, et que beaucoup de millions ne purent trop payer cet honneur sans exemple ; mais l’exemple entraîna des inconvéniens. Depuis cette présentation, tous les gros financiers mirent pour condition tacite, lorsqu’on eut recours à eux pour quelque fameux emprunt, qu’on leur ménagerait une entrevue avec le roi. L’exigence était forte ; beaucoup de courtisans la trouvèrent monstrueuse, même sous le règne de Louis XV, où l’on commençait à se relâcher un peu de la rigoureuse étiquette du siècle précédent. Elle était forte sans doute, mais elle attestait l’admirable égalité de la dette sur la terre ; elle était le symbole lointain de Sainte-Pélagie et de Clichy, qui devaient voir un jour tant de marquis, de ducs et de princes illustrer leurs murs et leurs verrous.