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rapport fiscal, et ayant répandu dans toutes les classes un grand bien-être, il était naturel que sir Robert Peel voulût compléter son ouvrage. Jusqu’à quel point la théorie sera-t-elle confirmée par la pratique dans cette expérience, la plus radicale qu’aucun gouvernement ait jamais tentée ? c’est ce qu’il faut laisser à décider au temps, qui pourrait bien n’être pas en tout ; d’accord avec Say. Protégée pendant deux siècles par un régime prohibitif absolu, arrivée à un immense développement de l’industrie et de la richesse publique, l’Angleterre est sans doute dans une meilleure situation que les autres états de l’Europe pour tenter cette immense expérience. Jusqu’à présent, le royaume de Naples, dirigé par un prince hardi autant qu’éclairé, paraît seul disposé à entrer dans ces voies nouvelles. Sir Robert Peel l’a déclaré lui-même dans le parlement anglais en rendant hommage au roi de Naples. Quant aux corn-laws, elles ont été immolées en quelques mots. Dès aujourd’hui l’échelle mobile s’abaisse, et dans trois ans les lois céréales auront rejoint le test et les rotten boroughs dans ces pages de l’histoire où sont inscrites déjà tant de vieilles institutions abolies. Cette perspective suffira-t-elle pour faire accepter par M. Cobden et par les whigs le plan de sir Robert Peel ? On peut le présumer dès aujourd’hui au ton général de la presse anglaise, et c’est avec une satisfaction véritable que nous en acceptons l’augure.

Le gouvernement représentatif n’a pas partout ces dehors magnifiques sous lesquels il vient de se déployer en France et en Angleterre. Néanmoins on peut assurer qu’il est en progrès évident sur tous les points de l’Europe, et qu’il s’asseoit chaque jour plus solidement aux lieux où son établissement a été le plus difficile. Les débats des cortès espagnoles en sont une preuve, et la longue discussion de l’adresse a constaté les progrès faits dans l’ordre politique et administratif par le cabinet que préside le général Narvaez.

Les chambres espagnoles arrivent à peine au terme des débats de l’adresse. Le sénat a eu promptement rédigé et voté sa réponse au discours de la reine Isabelle ; mais dans le congrès la discussion a été longue, agitée. Ce n’est pas qu’en définitive le résultat du vote soit à nos yeux incertain. Sur l’ensemble de la politique, la majorité est incontestablement acquise au gouvernement, et les trente ou trente-cinq voix qui ont appuyé l’amendement proposé par M. Seijas Losano, au commencement des débats, forment le chiffre réel de l’opposition. Cette opposition est elle-même un démembrement du parti modéré ; elle se compose d’un certain nombre d’hommes qui prétendent ne point sortir du cercle des opinions conservatrices. Des discours remarquables, quelquefois éloquens, ont été prononcés devant le congrès, parmi lesquels on peut citer l’attaque très habile et très vive de M. Pacheco, chef de cette opposition, et les défenses successives qu’ont présentées le général Narvaez, MM. Martinez de la Rosa, Pidal et Mon.

Les amis du ministère ont trop souvent cédé au dangereux plaisir d’attaquer lorsqu’ils n’avaient, pour se défendre, qu’à exposer les actes accomplis.