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professent, sur ce point, des opinions contraires, se réunissent donc ici pour donner à des faits précis une haute valeur. Eh bien ! M. Edwards a trouvé chez les béroïdes un système nerveux central, une sorte de cerveau d’où partent des filets bien visibles qui se distribuent à tout le corps. Ces faits confirment les résultats moins complets, sous quelques rapports, que l’étude des méduses avait fournis à M. Ehrenberg, Ainsi les béroïdes, et très probablement les méduses, possèdent bien réellement ce système organique important dont Cuvier a cru pouvoir dire de lui qu’il était l’animal tout entier.

A côté des méduses et des béroïdes, les naturalistes systématiques ont placé les stéphanomies, qui, avec les autres acalèphes hydrostatiques, sont peut-être les créatures les plus extraordinaires que le monde marin offre à l’observation des naturalistes. Qu’on se figure un axe de cristal flexible, long quelquefois de plus d’un mètre, tout autour duquel est attachée, par de longs pédoncules également transparens, une multitude de petits corps allongés ou aplatis en forme de boutons de fleur ; qu’on mêle à cette guirlande des perles d’un rouge vif et une infinité de filamens de diverses grosseurs ; qu’on donne le mouvement et la vie à toutes ces parties, puis qu’on se rappelle que chacune d’elles est un organe ayant ses fonctions propres, l’un chargé de saisir la nourriture, l’autre de la digérer, un troisième d’assurer la propagation de l’espèce, un quatrième de respirer, un cinquième peut-être de voir, et l’on n’aura encore qu’une faible idée du merveilleux de cette organisation entièrement méconnue jusqu’à ce jour. C’est une sorte de colonie formée, non plus par des individus distincts comme chez les polypes, mais par des organes libres et flottans ; c’est un peu comme si, chez l’homme, la main, la bouche, l’estomac, l’intestin, le poumon, indéfiniment multipliés, étaient attachés à autant de fils partant d’une colonne vertébrale isolée. Tous ces appareils se mêlent, s’entrelacent sans cesse les uns aux autres autour de l’axe mince qui les réunit. Seuls, les organes de la locomotion sont groupés à part à l’extrémité antérieure. Ils consistent en un nombre considérable de petites cloches soudées à la tige centrale, et dont l’ouverture est dirigée en arrière. Ces clochettes se dilatent et se contractent sans cesse tour à tour. Par ces mouvemens alternatifs, elles chassent avec force l’eau contenue dans leur intérieur, sont poussées en avant par la résistance du liquide, et entraînent après elles l’étrange corps qui les suit. Cette structure, sans analogue dans le règne animal, fait des stéphanomies des êtres tout-à-fait à part, et l’embryogénie seule, en nous révélant leurs affinités réelles, pourra