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marche progressive et pacifique. Pendant que notre organisation départementale est appliquée à la Grèce, l’Espagne copie les principales dispositions de notre loi électorale, comme elle avait appliqué, l’année dernière, les principes de notre comptabilité, et essayé de transformer ses vieilles universités en rectorats académiques ; elle vient de substituer l’élection directe d’arrondissement à l’élection provinciale, et peut-être a-t-elle poussé l’imitation trop loin en rejetant l’amendement qui avait pour but d’élever le chiffre de chaque collége électoral à plus de cent cinquante électeurs. Si l’élection directe a des avantages, les petites circonscriptions électorales ont des inconvéniens que M. Martinez de la Rosa et le général Narvaez, qui ont si long-temps vécu en France, connaissent assurément aussi bien que nous. Il y a du reste en Espagne, comme, ailleurs et plus qu’ailleurs, un parti autochtone et anti-français par essence, dont M. Orense est à la fois le coryphée et l’orateur. Ce dernier a nettement déclaré qu’il voterait systématiquement contre toute loi qui aurait une ressemblance avec les lois françaises. Il est difficile de s’expliquer d’après cela comment l’honorable membre a pu se décider à prêter serment à la constitution. L’engagement pris par le cabinet de consulter les cortès sur le mariage de la reine a pu seul calmer l’agitation que cette question délicate avait soulevée à Madrid et dans toute la monarchie. Les vœux de la reine-mère en faveur d’un prince napolitain ne sont douteux pour personne ; mais ce mariage rencontrera, au sein de la nation, non moins de résistance que le projet d’union avec le comte de Montemolin n’en a rencontré parmi les hommes du gouvernement. La France renonce à la main de la reine pour un prince de la dynastie régnante ; d’un autre côté, elle donne l’exclusion à tout candidat étranger à la maison de Bourbon ; entre de telles difficultés et de tels repoussemens, la reine Isabelle Il paraît destinée à ne pas connaître de long-temps la situation intéressante dans laquelle sa saur d’Angleterre retombe si fréquemment, aux applaudissemens de ses loyaux sujets.

Pendant que l’Espagne est exclusivement dominée par la pensée de sa réorganisation intérieure, les évènemens semblent lui préparer au dehors un rôle qu’elle a cessé de jouer depuis long temps. La république dominicaine se sépare de celle de Haïti, et la marine de Cuba se dispose, dit-on, à rétablir le pavillon espagnol sur des points où il a cessé de flotter depuis 1821. On sait que Toussaint-Louverture conquit, pendant les troubles de Saint Domingue, la partie espagnole de l’île. Une insurrection des créoles rendit Santo-Domingo à l’Espagne, dont les droits furent reconnus en 1814 par les traités de Paris. Sept années plus tard, cette colonie suivit le mouvement d’émancipation qui entraînait alors le Nouveau-Monde tout entier ; mais ce ne fut pas au profit des colons eux-mêmes que s’opéra cette révolution. Le président Boyer, alors chef du gouvernement d’Haïti, adjoignit Santo-Domingo à cette république, et, depuis cette époque, les colons espagnols, gouvernés et molestés par les noirs, n’ont pas cessé de regretter l’acte qui les avait séparés de la mère-patrie. Aujourd’hui la partie orientale de Saint-Domin-