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suivissent la religion du père, n’avait bientôt plus mis sur le Rhin que des employés protestans pour y faire la souche d’une nouvelle église, en même temps que de familles nouvelles. Le roi de Wurtemberg n’avait jamais prétendu conquérir ses sujets dissidens à la foi de la majorité : il avait seulement voulu maintenir l’entière liberté des mariages mixtes, et sur ce point il restait inébranlable. Les membres de son conseil ecclésiastique n’étaient pas gens à l’y tracasser, et les curés, nommés sous leurs auspices, se conformaient sans scrupule à ces pacifiques intentions. Les fidèles ne se trouvaient pas scandalisés de cette indulgence de leurs pasteurs, et ne semblaient point d’ailleurs très disposés à s’émouvoir beaucoup en faveur des démonstrations du prosélytisme romain. Le catéchisme populaire n’était pas précisément rédigé pour le servir, et l’enseignement religieux des campagnes avait peu à peu ruiné ses moyens d’action les plus sûrs ; on y passait assez vite sur l’adoration des saints et des reliques, on ne recommandait guère les pèlerinages, et personne pourtant ne se croyait opprimé.

A peine revenu de Munich, l’évêque de Rottenbourg, dans un accès de ferveur qui ne devait point avoir de suite, dénonça cette oppression jusqu’alors ignorée. Nos prélats nous ont transmis l’écho de ses plaintes. Il les apporta lui-même à la seconde chambre des états de 1842 ; l’éloquence et la majorité lui firent défaut pour les soutenir, mais la première chambre ramassa le gant qu’il n’avait pas su jeter, et les seigneurs médiatisés se présentèrent à sa place comme les champions de l’église. Aussitôt les pétitions circulèrent à travers tout le pays, lancées jusque dans les derniers villages par cette haute influence des grands propriétaires, répandues par l’activité des plus jeunes prêtres, exaltées par les journaux bavarois. On acheta des gazettes, on multiplia les pamphlets ; on vint presque à bout de créer une inquiétude publique, et de persuader aux catholiques troublés qu’on attentait à leur foi ; on leur apprit tout ce qu’ils avaient souffert, et l’on dressa de leurs griefs une liste formidable. On réclamait purement et simplement ce qu’on réclame aujourd’hui partout de ce côté-là, l’autonomie de l’église, c’est-à-dire, au sens vrai dans lequel il faut l’entendre, l’abdication du temporel en l’honneur et pour le plus grand profit du spirituel. Les meneurs criaient à la persécution, parce qu’on ne dépensait pas à leur gré tous les revenus ecclésiastiques, parce qu’on ne permettait pas aux prêtres de rompre la paix des mariages mixtes, parce qu’on n’abandonnait pas toute influence sur l’éducation du clergé et sur la distribution des fonctions curiales. En Bavière, la population protestante de Franconie est livrée sans merci aux entreprises des jésuites ;