Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/779

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le mot est juste autant que profond ; l’Allemagne se dérobe à l’ivresse des songes.

Ouverts sous de tels auspices, les états de 1845 ne les ont pas démentis, et cette sage conduite a porté ses fruits. On y a gagné de tous les côtés. Grace à la popularité d’une chambre devenue plus nationale sans être moins éclairée, le cabinet wurtembergeois a fait accepter une loi de chemin de fer qu’il avait jusqu’alors forcément ajournée, de peur d’échouer dans l’exécution contre l’entêtement des préjugés rustiques. Le parti constitutionnel n’a pas été moins heureux ; ses principes ont eu leur victoire. Il a presque dicté l’adresse ; il y a inséré ses vœux les plus significatifs ; il a parlé d’unité allemande, mais dans quels termes et avec quelle nouvelle pensée, c’est là ce qui m’a par-dessus tout instruit en même temps qu’étonné. Le discours de la couronne annonçait, suivant l’usage, le progrès continu des travaux militaires de la citadelle d’ Ulm : la construction de cette forteresse fédérale est pour le Wurtemberg une charge d’autant plus onéreuse qu’elle ne peut guère jamais servir qu’à la défense de l’Autriche ; créé par la France, le royaume de Wurtemberg n’aura jamais rien à craindre de la France, naturellement intéressée à la conservation des petits états germaniques du sud ; la forteresse d’Ulm n’est donc rien qu’un gage exigé par les grandes puissances, et ceux qui le donnent ont bien le droit de réclamer du retour. Ce fut ainsi que l’entendit la chambre, et voici la remarquable réponse qu’elle fit au roi : « Nous nous réjouissons de ces grands travaux comme d’un signe croissant de l’unité allemande ; puisse cette unité assurer au dehors la considération de la patrie commune ! puisse-t-elle à l’intérieur amener un développement plus complet pour ces institutions qui, en garantissant les intérêts moraux et matériels des peuples, font la force et l’honneur des états ! C’est dans cette espérance que nous comptons particulièrement sur les bons soins de votre majesté pour le rétablissement de la liberté de la presse en Allemagne. » Le roi s’excusa d’écouter un vœu si formel, en se couvrant des obligations qui lui étaient imposées par sa qualité de membre du corps germanique. C’est là, comme on le sait, en Allemagne, le suprême refuge des princes contre les peuples ; c’est, au-delà du Rhin, l’expédient ordinaire de cette fiction constitutionnelle qui veut que les personnes royales, pour rester toujours agréables, n’aient jamais l’air de dire non. Les députés wurtembergeois ne se payèrent point d’un déclinatoire trop commode, et, quand vint la discussion du budget, ils refusèrent, à une majorité considérable, de voter les frais de censure. Le