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Tels étaient les pères du concile de Canstatt ; ce qu’ils y firent, en vérité, ce sera bientôt dit. A Leipsig, on s’était un peu tard repenti d’avoir provoqué la publicité de la discussion sur des points de dogme ; les réformateurs avaient failli se diviser, et, pour contenter tout le monde, philosophes et mystiques, on avait glissé sur une équivoque à l’endroit le plus difficile ; on avait défini le Christ, non pas le fils de Dieu au sens orthodoxe, non pas un sage divin au sens rationaliste, mais l’envoyé de Dieu, Gottgesandte ; c’était à chacun d’entendre le mot comme il lui plaisait. Pour plus de sûreté, on ne voulut traiter à Canstatt que des points de discipline ; on ne fut pas plus heureux. Il y eut une imposante minorité qui ne voulut pas consentir à donner voix délibérative aux femmes sur les choses de la religion : c’était pourtant une utile galanterie à l’adresse des dames protestantes, auxquelles on devait beaucoup de reconnaissance. Il y eut une autre minorité qui menaça de quitter la place, si on la forçait à communier sous les deux espèces. Pour sortir d’embarras, on décréta que les canons des conciles généraux ne seraient absolument obligatoires dans aucune commune en particulier ; autant valait n’en pas faire. A Leipsig, du moins, leur avait-on attribué force de loi, sous la seule condition d’être adoptés par la majorité des communes. Voilà donc déjà, dans une église d’hier, des antinomies à résoudre et des concordances à trouver.

Après ces arrangemens de famille, le concile se tourna tout-à-fait vers le public, et voulut profiter de l’occasion pour confesser encore sa foi ; ce fut la dernière journée. Les orateurs se succédèrent à la tribune improvisée dans la salle de conversation des bains de Canstatt ; ils parlèrent de tout autre chose que du fond même de leur religion, avec le même aplomb que nos prédicateurs à la mode, lorsqu’ils mettent l’orthodoxie sous forme romantique. Ils démontrèrent l’un après l’autre les rapports prédestinés de leur catholicisme avec la vie domestique, avec la commune, avec l’état, avec l’histoire du monde. Ce discours-là surtout fut curieux : l’apparition de l’abbé Ronge servait de but et de clé à tout l’enchaînement des siècles ; c’était l’idée de Bossuet habillée des langes hégéliens, et détournée de sa large route pour aller étouffer dans un petit chemin de traverse. — Au commencement était Dieu, c’est-à-dire l’idée de Dieu en l’homme ; et Dieu, pour l’homme, ce fut d’abord la matière inanimée ou inintelligente, l’eau, le feu, l’animal ; puis ce fut l’homme lui-même, mais l’homme monstrueux, le Brahma couché sur le lotus, avec son pied dans la bouche (vieille