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de Platen ? Les comédies de Platen sont des satires littéraires : l’auteur de la Fourchette fatale et de l’OEdipe romantique n’imite ni les Chevaliers, ni Lysistrata, ni les Nuées, œuvres d’une société qui a disparu, modèles proposés à l’étude et interdits à l’imitation ; il imite quelques scènes admirables des Grenouilles, le débat d’Eschyle et d’Euripide il donne son avis, comme Aristophane, sur le théâtre de son pays. Ce sont là, encore une fois, des critiques permises et utiles. Comparez-les, si vous voulez, aux satires de Boileau, aux passages les plus vifs de Molière, à la scène d’Oronte, à celle de Trissotin et Vadius, mais ne les confondez pas avec ce dialogue effronté où vont paraître les noms les plus honorés de l’Allemagne ! Quand Platen étudie l’auteur des Grenouilles, il se rappelle deux choses : d’abord, qu’il ne peut emprunter au poète grec la liberté cynique de ses injures ; puis, qu’il doit surtout s’attacher à la grace, à la poésie, et corriger par là du moins ce qu’il y a de trop rude dans la forme de la comédie ancienne. Si M. Prutz croit avoir suivi cet exemple excellent d’un artiste sincère, décidément il est dupe de son amour-propre. Il ne voit pas qu’il a substitué à une critique littéraire, très vive sans doute, mais acceptable, une diatribe sans pudeur, et devant laquelle eût reculé peut-être la licence du poète antique. Il est aveugle surtout quand il s’écrie : « L’alouette se berce en chantant dans le bleu infini du ciel, là-haut, au-dessus des ruines. J’ai fait comme elle, sans soucis, perdu dans la mélodie qui m’enivre, et attentif seulement au signe que me faisait l’idéale poésie ! J’ai oublié qu’un gendarme, courbé sur le canon de son fusil, m’ajustait longuement et allait m’envoyer une balle. » Non, il n’a pas chanté dans la nue comme l’alouette joyeuse, il ne s’est pas élevé à de si hautes régions, et le gendarme, puisque gendarme il y a, n’ira pas le frapper lâchement au milieu de son vol ; il l’arrêtera d’une façon toute prosaïque, au coin de cette rue suspecte, dans cette maison équivoque où il n’a pas craint de déshonorer la Muse.

Voici le second acte. Schlaukopf est très inquiet ; que va-t-il arriver ? Quel sera ce nouveau-né impatiemment attendu par toute l’Allemagne ? Si Germania allait accoucher d’un monstre ! Pour éviter tout embarras, il s’adresse au docteur et le prie d’appeler à son aide quelque ruse de son métier. Le docteur fait la sourde oreille, et Schlaukopf, pour le corrompre, est obligé de lui montrer les présens envoyés à Germania par tous les souverains d’Allemagne, à l’occasion de sa prochaine délivrance. Dons précieux, magnifiques ! la Prusse donne à l’enfant de Germania la cathédrale de Cologne, une petite flotte allemande,