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LE DUC.

Moi-même… charmante sauvage, je vous trouve enfin ; voilà trois semaines que mes grisons battent la campagne pour vous déterrer.

FLORINE.

Le fait est que nous étions au bout du monde.

LE DUC.

Vous me haïssez donc bien, mauvaise, que vous vous êtes expatriée pour ne me plus voir. A propos, voilà l’écrin que vous m’avez renvoyé, comme si j’étais un traitant. — Un homme de qualité ne reprend jamais ce qu’il a donné.

CÉLINDE.

Monsieur !

FLORINE.

Il n’y a que les gens de race pour avoir de ces procédés-là.

LE DUC.

Vous aviez un caprice pour ce petit freluquet ; ce n’était pas la peine de vous enfuir pour cela. — Un homme d’esprit comprend tout. Je me serais arrangé de façon à ne pas rencontrer Saint-Albin, ou plutôt il fallait me le présenter. Je l’aurais poussé s’il avait eu quelque mérite. Une jolie femme peut avoir un philosophe comme elle a un carlin, cela ne tire pas à conséquence.

CÉLINDE.

Saint-Albin a su m’inspirer l’amour de la vertu.

LE DUC.

Lui ! — Je n’en voudrais pas dire de mal, car j’aurais l’air d’un rival éconduit ; mais ce cher monsieur n’est pas ce qu’il paraît être, comme on dit dans les romans du jour, ou je me trompe fort.

FLORINE.

Je suis de l’avis de M. le duc, M. Saint-Albin a des allures qui ne sont pas claires pour un homme patriarcal et bocager.

CÉLINDE.

Florine…

LE DUC.

Ma chère Célinde, je vous aime plus que vous ne sauriez le croire d’après mon ton léger et mes manières frivoles. Je ne vous ai jamais dit de phrases alambiquées, — pourtant j’ai fait pour vous des sacrifices devant lesquels reculeraient bien des amans ampoulés et romanesques. Sans parler de deux ou trois coups d’épée que j’ai donnés et que j’aurais pu recevoir, -pour que vous puissiez écraser toutes vos rivales, pour que votre vanité féminine ne souffrit jamais, j’ai engagé le château de mes pères, le manoir féodal peuplé de leurs portraits, dont les yeux fixes semblent m’accabler de reproches silencieux.