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Les dissertations ethnographiques et théologiques de M. Schoelcher sont fort peu amusantes, bien qu’il fasse défiler sous nos yeux, sous le plus léger prétexte, Corneille et Saint-Cyran, Lamennais et le grand Arnaud, et tant d’autres - qu’on ne s’attendait guère… à voir en cette affaire ; — mais il s’inquiète bien vraiment d’intéresser ses lecteurs ! Faire faire un pas de plus à la science nouvelle de l’humanité, telle est son unique envie ; élever la voix pour les opprimés, telle est sa seule mission. Il reproche amèrement à M. le directeur des postes de ne pas loger sur ses paquebots les passagers de troisième classe aussi splendidement que ceux de la première, et le traite tout simplement de barbare. Voilà M. Conte convaincu de férocité aussi bien qu’Ibrahim. Sur le même bâtiment se trouvent des sœurs moraves qui voyagent très confortablement. « Vertus chrétiennes, qu’êtes-vous devenues ! « s’écrie M. Schoelcher indigné. Ces bonnes sœurs moraves, il voudrait les voir se loger sur le pont par humilité chrétienne. M. Schoelcher ne nous dit pas où se trouvait sa cabine : pour l’honneur des principes philanthropiques, nous nous plaisons à croire qu’il couchait sur un tas de cordages comme un simple matelot. De telles déclamations sont puériles ; elles nuisent à l’autorité d’un écrivain. Malheureusement M. Schoelcher ne l’a pas compris. Un sentiment fort estimable a inspiré son livre, la forme exagérée sous laquelle il est présenté lui a fait manquer complètement son but.


— TROIS MOIS A MONTMORENCY[1]. — M. de Salvo vient de publier un petit ouvrage sous le titre de Trois mois à Montmorency. Ce n’est point un roman très compliqué, très dramatique ; c’est simplement le recueil de quelques lettres écrites pendant l’été de 1845 par une dame du monde parisien à une princesse italienne qui habite Palerme, et naturellement l’auteur décrit ces environs de Paris qui ont encore leur charme même auprès des beautés d’un autre genre de la nature sicilienne. M. de Salvo, comme on voit, n’est pas allé loin chercher le sujet de quelques impressions de voyage. Montmorency n’est-il pas d’ailleurs un lieu plein de souvenirs ? L’ombre de Rousseau n’erre-t-elle pas encore auprès de l’ermitage où l’auteur d'Héloïse rêva si souvent et se montra si ingénieux à se créer des souffrances ? L’auteur rencontre aussi le souvenir de M. de Talleyrand à Andilly et de Mme d’Houdetot à Eaubonne, et il rajeunit quelques anecdotes sur ces illustres personnages. Ce recueil de lettres n’est pas sans doute d’une grande nouveauté, mais il renferme des détails heureux, des observations piquantes, et souvent une distinction de langage qu’il faut encore plus remarquer, puisqu’elle devient si rare de nos jours.


DICTIONNAIRE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES, publié sous la direction de M. Franck, membre de l’Institut, par une société de professeurs de philosophie et de savans[2]. — Quand les sciences philosophiques sont cultivées avec ardeur et avec succès, quand une école est constituée, quand elle a produit assez d’écrits dogmatiques et historiques pour que son caractère soit nettement déterminé, rien ne peut être plus utile à la science en général, rien n’est plus propre à donner une dernière consécration à l’école dominante qu’un vaste répertoire où chacun

  1. Un vol. in-18, au Comptoir des Imprimeurs, quai Malaquais.
  2. A la librairie de Hachette.