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On ne pouvait méconnaître l’auteur à l’érudition classique dont sa diatribe était parée. — Il blâmait vivement le sénat de Francfort d’avoir autorisé de pareilles démonstrations ; il lui conseillait de prendre exemple sur les gouvernemens sages, et notamment sur celui de Munich, lequel avait fort à propos déclaré les sectaires traîtres au premier chef et criminels de lèse-majesté ; malheureusement on n’était sûr de rien avec ces institutions républicaines qui, de toute antiquité, faisaient la ruine des peuples ! Les Francfortois, très blessés, répondirent honnêtement dans leurs journaux. La Gazette d’Aschaffenbourg se déchaîna, et l’injure devint plus directe ; c’était une signature comme une autre. Le sénat se composait tout entier de gens incapables ; les bourguemestres, petits marchands ridicules, ne savaient ni lire ni écrire ; Francfort était une ville d’argent où l’on ne pensait qu’à l’argent et où l’argent corrompait et perdait le sens. Francfort avait commis bien des péchés ; il ne fallait pas qu’elle se fiât beaucoup à cette fastueuse indépendance que les conventions des princes allemands semblaient lui garantir ; il n’y avait point de pacte qui prévalût contre le salut des trônes toujours menacés par le voisinage inquiet de ces sottes libertés. Francfort devait prendre garde au sort de Cracovie ; pareil régime pourrait bien lui être réservé.

Ce fut la fin de la dispute ; tout le monde ne peut point parler de ce ton-là. Cracovie n’était pourtant pas encore réduite où elle en est aujourd’hui, et, quel que soit l’instinct des poètes, le roi Louis, sans doute, ne savait pas si bien prophétiser ; mais la république polonaise était déjà suffisamment écrasée par ses voisins pour qu’on pût s’autoriser de sa destinée comme d’un exemple menaçant, comme d’une preuve éclatante de ce mépris des forts pour le droit des faibles, règle absolue de tous les rapports politiques en Allemagne. Il sera bientôt nécessaire d’ouvrir les yeux sur ces remaniemens intérieurs qui depuis trente ans se sont insensiblement opérés au-delà du Rhin malgré la foi des traités. En vérité, les traités de 1815 n’ont jamais engagé que la France, et la seule puissance qui les observe, c’est celle-là même contre laquelle on les a faits. Quand voudra-t-elle s’en apercevoir ?