Pieriosque dies et amantes carmina somnos.
Il avait un don qui aide fort au bonheur de qui le possède, et qui simplifie extrêmement ce monde d’ici-bas, la faculté de répandre et d’exhaler la poésie comme à volonté. Cette vapeur idéale des contours, qui d’ordinaire, pour naître et pour s’étendre, a besoin de la distance et de l’horizon, il la portait et la voyait autour de lui jusque dans les habitudes les plus prochaines. Entre la réalité et lui, c’était comme un rideau léger, mais suffisant, à travers lequel tout se revêtait aisément de la couleur de ses rêves. Il était de ceux enfin qu’il ne siérait pas, même pour être vrai, de vouloir trop dépouiller de ce manteau aux plis flottans, dont il aimait à draper ses figures et dont lui-même on l’a vu marcher enveloppé. Tout cela reste juste, et pourtant dans la vie réelle, dans l’exacte ressemblance, les choses ne se passent jamais tout-à-fait ainsi M. Soumet avait ses contrastes, et il serait intéressant de les noter. M. de Rességuier a dit de lui dans une épître :
Et c’est peu qu’ils soient beaux tes vers, ils sont charmans.
Cela était plus vrai de l’homme même, aimable, imprévu, d’un sourire fin, parfois d’une malice gracieuse et qui n’altérait en rien l’exquise courtoisie ni la parfaite bienveillance. Il y aurait encore d’autres traits frappans, singuliers, où revivrait la personne du poète : j’ai regret de n’y pouvoir insister. Martial a dit dans une excellente épigramme, en s’adressant au lecteur épris des belles tragédies et des poèmes épiques de son temps : « Tu lis les aventures d’OEdipe et Thyeste couvert de soudaines ténèbres, et les prodiges des Médées et des Scyllas, laisse-moi-là ces monstres… Viens-t’en lire quelque chose dont la vie humaine puisse dire : Cela est à moi. Tu ne trouveras ici ni Centaures, ni Gorgones, ni Harpies : nos pages à nous sentent l’homme :
Qui legis OEdipodem caligantemque Thyesten,…
Hoc lege quod possit dicere vita : Meum est.
Non hic Centauros, non Gorgonas, Harpyiasque
Invenies ; hominem pagina nostra sapit. »
Dans l’intérêt même des poètes généreux et déçus, qui, en des âges tardifs, ont visé à recommencer ces grandes gloires, une fois trouvées, des Sophocle et des Homère, dans l’intérêt de ceux qui étaient comme Ponticus du temps de Properce, ou comme M. Soumet du nôtre, je voudrais du moins qu’on pût les peindre au naturel tels qu’ils furent, et que, cette réalité qu’on chercherait vainement dans leurs œuvres majestueuses se retrouvât dans l’expression entière de leur physionomie, car la physionomie humaine a toujours de la réalité. Ils y perdraient peut