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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/240

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Vaine enquête, plainte inutile ! Les combinaisons qui règlent les affinités dans les corps vivans ont voulu que, sous l’influence d’une mauvaise nourriture, d’une habitation humide, d’un travail forcé et parfois aussi de conditions inconnues, l’affection tuberculeuse ou scrofuleuse se développât chez les parens. De là les souffrances des enfans ; voilà le crime qui leur vaut une existence courte et douloureuse. Telle est l’ignorance, que ce danger si grand, qui compromet à chaque instant les familles, n’est l’objet d’aucune précaution. Ni les institutions publiques, ni la prudence particulière n’interviennent pour prévenir tant de maux. Je sais tout ce que commandent de réserve les sentimens humains ; je sais qu’une pareille question ne peut pas être traitée au point de vue purement médical. Cependant, quand on considère avec quelle attention les intérêts pécuniaires sont consultés dans les unions, on peut croire que des intérêts encore plus grands, ceux de la santé, ne le seraient pas moins, si la fatalité cruelle qui s’attache à l’hérédité était mieux appréciée.

La transmission héréditaire des dispositions acquises est un fait qui éclaire la question des races humaines. En embrassant l’histoire des races dans son ensemble, on ne voit aucune raison de ne pas admettre, pour toutes, le développement par l’intermédiaire de l’hérédité, puisqu’en définitive c’est par cet intermédiaire que des races blanches se sont élevées à la civilisation. Il fut un temps, qui même n’est pas très reculé, où les aïeux des Allemands, des Français, des Anglais, vivaient dans une condition à demi sauvage. Combien cet état dura-t-il ? L’histoire ne le dit pas ; mais certes bien des siècles s’écoulèrent sans que rien vînt modifier l’uniformité des mœurs et la monotonie des forêts primitives. La masse de populations répandues depuis le Volga jusqu’aux Alpes, jusqu’aux Pyrénées, jusqu’aux Iles Britanniques, demeura immobile des milliers d’années ; et peut-être encore aujourd’hui les druides sacrifieraient des hommes et cueilleraient en grande pompe le gui dans les bois consacrés du pays chartrain, si la conquête romaine n’était venue changer l’avenir de ces peuples. Néanmoins la transition ne fut pas subite. Il fallut des siècles pour transformer des Gaulois et des Bretons en Romains, et, quand les Germains se furent répandus sur l’empire, il fallut des siècles encore pour qu’ils fussent absorbés par la vie civilisée. De même, les populations sauvages du Nouveau-Monde et de l’Océanie se sont montrées long-temps rebelles aux tentatives civilisatrices, ne gagnant que peu à peu l’aptitude à s’approprier des idées générales et abstraites ; de même encore, les nègres, dans les possessions européennes, commencent (et sous quel régime s’est faite leur éducation !) à grandir dans l’humanité, et la république qu’ils ont fondée, n’allant pas bien, ne va pas plus mal que tel état du Nouveau-Monde. Aristote disait, il y a près de vingt-deux siècles, que certaines populations ont la destination de fournir des esclaves, étant dépourvues