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l’Académie des Sciences, qui sont entre les mains de chacun, le titre de tous les mémoires, importans ou non, présentés à cet illustre corps.

Le monde savant s’est ému récemment à l’annonce des expériences de M. Faraday, relatives à l’influence que certains corps aimantés exercent sur quelques phénomènes lumineux. C’est là évidemment le fait scientifique le plus considérable qui ait été annoncé dans ces derniers temps. Le nom de l’inventeur, les idées tout-à-fait particulières qu’il s’est formées sur la théorie et l’explication de ces phénomènes, et jusqu’à la difficulté que nos plus habiles physiciens ont éprouvée d’abord pour reproduire les observations de l’illustre chimiste anglais, tout a semblé concourir à la fois pour appeler vivement l’attention du public sur une découverte aussi curieuse qu’inattendue.

Ce n’est pas, du reste, la première fois que M. Faraday sait frapper ainsi l’imagination des savans de l’Europe. Attaché dans sa jeunesse à cet Humphry Davy dont les découvertes chimiques remplissaient le monde entier, il dut apprendre, à une si excellente école, l’art difficile de sonder les secrets de la nature et d’en obtenir des réponses catégoriques, à l’aide de ces experimenta crucis dont Bacon, depuis deux siècles, avait proclamé la nécessité, mais qu’il est beaucoup plus facile de conseiller que de mettre à exécution. On a prétendu que le nouveau baronnet Davy rendait parfois à son humble préparateur le dédain dont lui-même, lorsqu’il n’était qu’un petit pharmacien, avait eu à souffrir de la part de cette aristocratie anglaise à laquelle son admirable talent parvint plus tard à le rattacher. Pour l’honneur des sciences, nous espérons que ces bruits n’ont aucun fondement, et que le jeune Faraday ne reçut de son maître que des exemples dignes du génie de tous les deux.

Il ne serait pas possible de donner ici une analyse détaillée des travaux qui ont valu à M. Faraday une si juste célébrité. Chimiste et physicien à la fois, M. Faraday a enrichi la science de plusieurs découvertes capitales, parmi lesquelles on doit compter en première ligne la liquéfaction d’un grand nombre de gaz qu’on ne croyait, avant lui, pouvoir obtenir qu’à l’état aériforme. Tout le monde a dû remarquer que la vapeur d’eau répandue dans une masse d’air se réduit à l’état liquide, ordinairement sous la forme de petites gouttes, lorsque cet air se trouve suffisamment refroidi. Pareille chose arriverait, si, même sans perte de chaleur, le même air éprouvait une compression considérable. C’est en combinant ingénieusement ces deux genres d’action, une très grande pression avec un froid artificiel dont l’intensité dépasse de beaucoup tout ce que l’homme a jamais supporté dans les climats les plus rigoureux, que M. Faraday est parvenu à rendre liquides des corps qu’on n’avait jamais pu se procurer qu’à l’état aériforme, ou, comme disent les chimistes, à l’état gazeux. Cette découverte, fort importante sous le rapport théorique, peut devenir la source d’applications très utiles. En effet, en réduisant ces gaz à l’état liquide, on a créé des moteurs d’une puissance extrême, et dont l’énergie est si grande, que c’est dans cette énergie même que réside la difficulté de les employer et de les diriger.

Introduire ainsi, sur une grande échelle, l’action mécanique dans la chimie, c’était déjà une heureuse innovation ; mais produire à distance et par le mouvement seul une classe entière de phénomènes qu’on croyait jusqu’alors ne pouvoir être causés que par des actions moléculaires, c’était quelque chose de plus nouveau encore et de plus inattendu, et c’est là ce que fit M. Faraday, lorsqu’en