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1 ° Le parti de la reine, divisé entre deux chefs ennemis l’un de l’autre, Jowahir et Lal-Sing ;

2° Le parti de Goulab, rassemblé sous deux chefs parfaitement d’accord, Tej-Sing et Fakir-Nour-Oud-Din, appuyé sur la montagne, les Sikhs dissidens, et sur les intérêts musulmans, mais en opposition avec les Sikhs proprement dits, puritains, akhalis et autres ;

3° Le parti anglais, appuyé sur tous les intérêts hindous.

En effet, les Hindous, qui constituent environ un tiers de la population du Pendjab, c’est-à-dire à peu près toutes les classes des laboureurs, des tisserands, des banquiers et des commerçans, continuellement froissés au contact des mœurs guerrières et turbulentes des Sikhs, soupiraient pour l’extermination ou tout au moins pour l’asservissement de ces derniers par les Anglais. Ce parti se ralliait ostensiblement autour de Bhai-Ram-Sing ; mais ce chef n’était lui-même que l’agent secret du chargé d’affaires de la compagnie dont il nous reste à parler.

Le résident britannique à la cour de Lahore était un officier de l’infanterie de Madras, nommé Broadfoot, qui avait été détaché, à l’époque de la guerre de l’Afghanistan, à l’armée du Bengale, en qualité d’ingénieur. A la tête d’un corps de sapeurs du génie qu’il avait lui-même levé et organisé dans le Nepaul, il s’était distingué par des exploits presque fabuleux à la défense de Djellalabad et lors des désastres qui accompagnèrent la retraite des armées anglaises. Le poste fort lucratif de chargé d’affaires à Lahore fut la récompense de ces services ; mais son coup d’œil diplomatique ne répondit point aux espérances qu’avaient fait concevoir ses talens militaires. Il eut, comme beaucoup d’autres, le tort de confondre les Sikhs, sous le rapport de l’intelligence et des qualités guerrières, avec le reste des populations de l’Inde, et de les envelopper dans le même mépris. Il n’aperçut ainsi l’orage qui allait fondre sur son gouvernement qu’au moment où il était près d’éclater. Mortifié de sa méprise et s’attribuant les premiers échecs de Moudki et de Ferozshah, il expia noblement son erreur sur le champ de bataille du 21 décembre 1845, où il trouva la mort qu’il cherchait au milieu des bataillons ennemis.


III.

Un gouvernement ainsi tiraillé et tombé entre des mains aussi faibles ne pouvait manquer de traverser bien des crises et de subir bien des modifications. On est seulement étonné qu’il ait pu durer aussi long-temps. Ce qui le protège un moment, c’est la réaction inévitable qui succède à toute anarchie, réaction qui est arrivée ici beaucoup plus tôt qu’on n’aurait pu l’espérer, et d’où il est sorti un ordre de choses relativement meilleur. L’armée sikhe, qui pendant deux ans s’était fait