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l’insuffisance du personnel maritime, a demandé à la chambre de voter d’urgence, à partir du 1er juillet prochain, une somme de 191,950 francs pour le traitement de 140 officiers destinés à accroître le cadre actuel sans déranger les proportions existantes. Ces créations supplémentaires comportent 10 capitaines de vaisseau, 30 capitaines de corvette, 50 lieutenans de vaisseau, et un même nombre d’enseignes.

La marine française ne compte aujourd’hui, dans le cadre d’activité, que 100 capitaines. Or, si l’on tient compte du nombre des bâtimens à flot et des bateaux à vapeur afférens par leurs dimensions au grade de capitaine de vaisseau, si l’on n’oublie pas la nécessité du service de terre, qui, dans l’état actuel des choses, n’absorbe pas moins de 47 officiers de ce grade, on arrive à constater une insuffisance évidente, et peut-être ne pourra-t-elle pas être couverte par l’adoption de la proposition du gouvernement. Le nombre des capitaines de corvette est de 200, et, pour appliquer les dispositions de l’ordonnance récente qui a déterminé la nature des bâtimens au commandement desquels les officiers de ce grade sont appelés, il n’en faudrait pas moins de 166 toujours à la mer. Or, les services à terre réclament la présence de 50 capitaines de corvette. Les besoins de la marine constatent donc un déficit de 16, en admettant que tout le cadre pût être constamment maintenu en activité, et qu’il ne fallût pas pourvoir aux non-valeurs produites par les congés et les maladies. Les autres augmentations sont justifiées par des raisons analogues, et sont d’ailleurs la conséquence d’un même principe. La composition d’un cadre est une mesure d’ensemble ; on ne peut pas toucher à un grade sans élever proportionnellement le chiffre de tous les autres. Agir autrement, ce serait compromettre l’équilibre général des services et des avancemens.

C’est l’observation qu’a faite la commission des crédits supplémentaires dans un fort bon rapport déposé par M. de la Grange. Cette commission se trouvait saisie de la question, à raison du crédit réclamé pour l’exercice courant ; elle l’a résolue, sans hésiter, d’une manière affirmative. La commission du budget avait, dit-on, adopté une solution contraire ; mais les députés dont M. le contre-amiral Hernoux était l’organe se sont si mal trouvés de leur malencontreuse tentative, que cet exemple paraît avoir donné à réfléchir aux honorables commissaires du budget : aussi l’extension des cadres sera-t-elle adoptée sans observation. Jamais assemblée législative n’aura donné à ce grand intérêt maritime une satisfaction aussi complète.

La chambre vient aussi de se recommander au pays par un vote d’une haute importance. Elle a adopté la proposition de M. Demesmay, modifiée par la commission, et réduit l’impôt du sel de 30 à 10 centimes par kilogramme. Nous comprenons la vive résistance de M. Lacave-Laplagne à cette grande innovation, car nous ne saurions admettre comme certaines, et encore moins comme immédiates, les compensations qu’on fait espérer au trésor. La consommation humaine ne s’accroîtra pas sensiblement, car elle n’est pas de beaucoup inférieure en France à ce qu’elle est dans les pays où le sel se donne en franchise ; nous croyons à une heureuse application du sel à la nourriture du bétail, mais cette application sera lente et successive : elle se produira d’abord dans les contrées de grande culture, et ne s’étendra aux pays pauvres que lorsque toutes les habitudes agricoles