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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/738

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de réforme et de progrès qui, en 1413, avait brillé un instant et n’avait pu rien fonder, parce qu’un parti extrême en était l’organe, reparut, et modela sur un plan nouveau toute l’administration du royaume, les finances, l’armée, la justice et la police générale[1]. Les ordonnances rendues sur ces différens points eurent leur plein effet, et elles se distinguent, non comme les précédentes par une ampleur un peu confuse, mais par quelque chose de précis, de net, d’impérieux, signe d’un talent pratique et d’une volonté sûre d’elle-même, parce qu’elle a le pouvoir. La question de l’impôt permanent et des taxes mises sans l’octroi des états fit alors un pas décisif ; après quelques alternatives, elle fut tranchée par la nécessité, et, à ce prix, le royaume eut pour la première fois des forces régulières. Les milices des villes, organisées jadis hors de la dépendance et de l’action de la royauté, vinrent se fondre dans une armée royale et en même temps nationale. Il y eut, pour la partie privilégiée du tiers-état, diminution de droits politiques ; mais la forme de la monarchie moderne, de ce gouvernement destiné à être à la fois un et libre, était trouvée, ses institutions fondamentales existaient ; il ne s’agissait plus que de le maintenir, de l’étendre et de l’enraciner dans les mœurs.

Le règne de Charles VII fut une époque d’élan national ; ce qu’il produisit de grand et de nouveau ne venait pas de l’action personnelle du prince, mais d’une sorte d’inspiration publique d’où sortirent alors en toutes choses le mouvement, les idées, le conseil. De semblables momens sont toujours beaux, mais leur propre est de durer peu ; l’effort commun ne se soutient pas, la fatigue et le désaccord surviennent, et bientôt la réaction commence. Les mêmes forces qui avaient fondé le nouvel ordre administratif n’auraient pas su le maintenir intact ; elles étaient collectives, et, comme telles, trop sujettes à varier ; l’œuvre de plusieurs avait besoin, pour ne pas déchoir, d’être remise aux mains d’un seul. Ce seul homme, cette personnalité jalouse, active, opiniâtre, se rencontra dans Louis XI. S’il y a dans l’histoire des personnages qui paraissent marqués du sceau d’une mission providentielle, le fils de

  1. Voyez l’ordonnance du 2 novembre 1439 pour la réformation de l’état militaire, celle du 25 septembre 1443 sur le gouvernement des finances, celle du 10 février 1444 sur le même sujet, celle du 19 juin 1445 sur la juridiction des élus, celle du 26 novembre 1447 sur la comptabilité du trésor, celle du 28 avril 1448 sur les francs archers, celle du 17 avril 1453 pour la réformation de la justice, celles du 21 janvier et du 3 avril 1459 sur la reddition des comptes et l’assiette des tailles, celle da 18 septembre 1460 sur la procédure devant les conseillers des aides, et celle du mois de décembre 1460 sur la juridiction de la chambre des comptes. Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XIII, p. 306, 372, 414, 428, 516 ; t. XIV, p. 1, 281, 482 et 485, 496, 510.